• « Je voudrais me trouver face au défi continuel de la vie sur une jambe. Je voudrais être handicapée au sens sportif du terme. Ce qui m’excite, ce n’est pas la difficulté supplémentaire, mais l’idée de la surmonter.
• N’avez-vous jamais pensé à ce que serait une vie pleine ? J’aurai cette allure modifiée que je trouve la plus belle et je pourrai en tant qu’amputée avoir des possibilités d’agir à un niveau supérieur. »
• Extrait du témoignage de Vivian S

Le témoignage de Vivian S, tout comme le questionnaire de télémarketing humanitaire, est un matériau documentaire. Trouvé sur internet, il a été à peine retouché. Il fait partie d’une série de textes publiés sur un site consacré aux « wanabees », terme anglais désignant les aspirants à l’amputation.
Avec Un inconvénient mineur sur l’échelle des valeurs, Eléonore Weber et Patricia Allio ont cherché à inventer un espace où il s’agit moins de voir que d’être regardé. Un vis-à-vis insistant s’instaure, une sorte de bi-frontal vidéo avec 16 visages regardant le spectateur, 16 plans-séquences de 35 minutes. Le principe est de faire jouer le rapport de miroir. Il y a d’abord la sensation d’être à l’intérieur d’une plateforme de téléphonie humanitaire répétitive puis le sentiment de participer à une assemblée citoyenne confrontée au témoignage de Vivian S, l’aspirante à l’amputation volontaire.

Le témoignage est mis en jeu comme un document, mais un document incarné. Les metteuses en scène privilégient la mise en lumière glaçante de l’argumentation obsessionnelle, elle aussi ressassée. Avec les acteurs, Charline Grand et Mathieu Montanier, elles travaillent la violence de ces langues désaffectées. Le spectacle repose également sur un principe d’ouverture et de renversement, à partir d’une batterie de 65 questions auxquelles personne ne répond. Ces questions sont à la fois le point culminant de l’interpellation du spectateur et le moment où l’étau se desserre. Peu à peu, la relation frontale avec le spectateur disparaît alors et laisse place à une relation plus intime.