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Un Arabe dans mon miroir

mise en scène Philippe Vincent

: Extraits

PARIS OCTOBRE 1961


"Je suis Kamel Mansour. Il fait nuit. Paris est illuminée. Mes poignets dans mon dos me font mal. La Seine serpente avec ses ponts. Tout Paris se baigne dans la Seine. Les feux des lampadaires se baignent. Et même les grands immeubles blancs. Je crois qu’il pleut. Je ne suis pas sûr qu’il pleuve. C’est confus. J’ai mal à la joue droite. Pas vraiment. Plutôt l’oeil. Il est fermé. J’ai du sang dans l’oeil droit. Il y a dix minutes j’ai cru lire vingt heures et trois minutes sur une horloge en venant du travail. Ça sent l’orage. Ça sent lourd. On est en Octobre. Ma nuque me fait mal. Mes pieds sur le bitume. Je piétine. D’autres que moi piétinent. Un homme est à terre. Mes doigts dans mon dos ne bougent plus. Un policier l’aide. La corde dans mon dos me blesse les poignets. La rambarde. La Seine. Paris. L’eau noire. Le policier jette l’homme par dessus la rambarde. L’homme est misérable quand il tombe. Misérable quand l’eau noire l’avale. Le policier ne sourit pas. La main du policier qui m’appuie sur la tête me fait mal à la nuque. Mes pieds se soulèvent. L’eau de la seine est glaciale."


Riad Gahmi




SIDI BOUZID TUNISIE DECEMBRE 2010


Je suis l’agent Fadia Hamdi. Je travaille dans la ville de Sidi Bouzid. Ma mission est de faire respecter la loi édictée. Nous sommes six, quatre homme et deux femmes, six agents municipaux en faction. L’homme que nous interrogeons n’a visiblement pas l’air en règle. C’est un vendeur à la sauvette qui répond au nom de Mohamed Bouazizi. Il nous explique que les autorités ne lui ont pas accordé le permis pour vendre des fruits et légumes dans la rue. C’est parce qu’il crie, qu’il me rabaisse à ma condition de femme que ma main vole jusqu'à son visage. La gifle claque dans l’air. Un tremblement de terre, une tornade, un phénomène météorologique, en tout cas inconnu jusqu’à maintenant, s’amplifie dans la rue, la ville, le pays, le monde. L’onde de choc provoquée par ma main et sa joue embrase tout sur son passage. Le jeune homme s’enflamme comme une allumette. La tête du système auquel nous croyons tous, cette tête au-dessus des lois, maintenant vacille dans l’air brûlant de ce mois de janvier. Elle semble plantée sur une pique. Elle grimace, semblant crier sans son. Elle se détache finalement de la pique et s’écrase au sol dans un fracas assourdissant qui retentit dans les pays alentour devant les vivas de la foule massée sur la place de la république. Je regarde ma main sans comprendre. Je n’ai pourtant pas frappé si fort. Je m’enferme dans ma prison et cesse de m’alimenter. J’attends.


Philippe Vincent




ET AUSSI


Laura Logan, Satam Al-Squami, Betty Ong, Muntazar El Zaidi, Ramy Abdullah, Said Mansour , le commandant Massoud, Gilad Shalit, Omar Zemmour, Salah Hamouri, David Ben Gourion…

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