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Tumultes

+ d'infos sur le texte de Marion Aubert
mise en scène Marion Guerrero

: Note de mise en scène

Histoire d’un projet


C’est un luxe que de travailler trois ans sur un même spectacle avant d’en faire éclore la forme définitive.
Alliez à ça le plaisir de travailler avec des jeunes gens au début de leur aventure théâtrale, bouillonnants d’idées et d’envies, et vous comprendrez pourquoi ce projet est particulièrement enthousiasmant et tout simplement unique.
S’arrêter et s’asseoir autour d’une table pour parler de l’état du monde, d’histoire, de politique, pour essayer d’éclaircir un peu ce brouillard qui est notre époque - tellement proche qu’on n’y voit plus rien - pour parler de nos aspirations, de nos peurs.
Et puis se lever et se mettre en mouvement. Mettre en jeu les imaginaires et les corps. Leurs imaginaires débordants et singuliers. Les nôtres. Et voir l’évolution des imaginaires. L’évolution de leurs improvisations en trois ans. Voir qu’à une consigne, ils répondent de plus en plus vite, qu’ils ne se posent plus de fausses questions, qu’ils se lancent à corps perdus, sans retenue, qu’ils savent se mettre à nu (au propre comme au figuré) avec de moins en moins de pudeur, mais toujours plus d’intelligence et de délicatesse.
Tout ça était tellement inspirant, que nous avons bien senti, Marion et moi, que quelque chose de particulier était en germe. La première étape de travail, présentée sous forme de chantier, en 2013, mise en forme dans l’urgence, a d’ailleurs donné lieu à deux présentations fort prometteuses.


Pour commencer cette dernière saison ensemble, nous nous sommes remis autour de la table et avons invité des penseurs, des historiens. Et puis nous avons de nouveau exploré comment ces nouvelles questions agitaient les corps et les esprits au plateau.


Mettre en scène cette écriture


Je commence à présent à réfléchir à la forme du spectacle.
Mettre en scène les textes de Marion, c’est toujours faire des choix sur ce qu’on montre et ce qu’on ne montre pas. C’est créer des images qui ne tuent pas les images du texte. C’est conserver la forte capacité d’évocation du texte. Et en même temps faire du théâtre, c’est-à-dire donner à entendre, mais aussi à voir.
C’est bien sûr c’est ce qu’on cherche avec n’importe quel texte, mais ici la langue nomme quasiment tout, jamais de didascalies, tout est dans ce qui est dit. Les objets, les espaces, apparaissent et disparaissent avec le discours. Le tout est de choisir si le personnage a effectivement une tringle à rideau dans la main ou pas. Si il est bien, tout à coup, sur la plage. Ou dans un bunker. Et qu’est-ce qu’on fait de cette information.
Ce qui est en creux ce sont les sentiments, les contradictions, les aspirations, les drames. Ce qui est en creux, c’est ce qui n’est pas dit mais qui est là. Qui plane.
L’univers musical et chorégraphique a aussi toujours beaucoup de place dans mon travail. Nous avons travaillé sur des chansons et des musiques des années trente. Nous avons regardé des photos de l’époque, des postures, des attitudes. Et puis nous nous sommes observés vivre aujourd’hui. Nous avons écouté ABBA, et beaucoup de techno. Nous avons traversé les époques, terminus en 2014. Nous creuserons ce travail chorégraphique et musical avec le chorégraphe Yann Rabalan et la chanteuse Myriam Djemour.


La forme scénographique


La pièce raconte la prise du théâtre par des acteurs qui décident de l’occuper, comme les ouvriers occupaient les usines en 36.
Nous avons répété et présenté le chantier, dans un lieu qui n’est pas du tout une salle de théâtre.
Au lieu d’essayer de le transformer en salle de théâtre, d’en faire une boîte noire, de cacher ses « défauts  », j’ai décidé d’utiliser ce lieu comme une scénographie.
Nous avons occupé la salle dans sa largeur pour pouvoir (du public) voir le maximum d’éléments qui la composaient : des murs gris, une mezzanine, un extincteur, un interphone, un escalier, une petite cave, un recoin…
Ceci permettait à la fois de créer des espaces de vie réalistes, avec trois fois rien (une table, des chaises et une suspension, pour faire une cuisine dans le recoin, quelques matelas et trois lampes de chevet sur la mezzanine, pour faire un dortoir…) et de donner cette impression d’occupation des lieux.
Je travaillerai sur cette même idée scénographique pour la mise en scène du spectacle. C’est toute la gageure : se servir des lieux pour créer des espaces habités. Intégrer la scénographie à l’espace. C’est d’ailleurs une idée qui m’est chère et que nous explorons systématiquement, lors de notre projet Rendez-vous, de l’infra-ordinaire à l’extraordinaire. J’aime particulièrement cette idée de ne pas faire rentrer un décor « en force  » dans une salle, mais de l’intégrer, comme à un paysage. C’est sans doute une envie de ne pas cacher, mais au contraire de mettre en lumière. Un peu comme faire de ses défauts des qualités. Un peu comme un photographe, faire un zoom sur la peinture écaillée d’un bout de mur, au lieu de la cacher derrière du velours noir.
Et puis faire feu de tout bois, pour la scénographie, comme pour la direction d’acteurs. Faire le pari que si on sait les regarder, les gens, les lieux se révèlent.
« Objets inanimés avez-vous donc une âme?  »


Esthétique et direction d’acteurs


Esthétiquement, nous naviguerons entre les deux époques : celle du front populaire et celle d’aujourd’hui. Mais c’est principalement aujourd’hui qui nous intéresse.
Comment, par l’observation du passé, peut-on comprendre le présent ? Comment ne pas refaire les mêmes erreurs ? Comment ne pas être simplistes dans les comparaisons ? Comment partager ce questionnement avec nos contemporains ? Et par quelle forme théâtrale ? Le théâtre peut-il nous aider à comprendre ?
Comme toujours, nous parions sur l’humour et la dérision. Sur la farce.
Mais ici les styles de théâtre s’entrechoquent. On passe de la farce à un théâtre plus intimiste ou même carrément réaliste. Le travail de direction d’acteurs est donc de trouver la justesse toujours, aussi bien dans l’excès de la farce que dans l’intimité d’un jeu naturaliste. Mais le travail de direction n’est-il pas toujours de chercher la justesse, où que se situe le curseur ?
Nous cherchons un humour implacable et précis, incisif. Et puis nous cherchons un quotidien étonnant, aigu. Un quotidien pas banal.


Et de ce joyeux carambolage naîtra, j’en suis convaincue, une matière vive et cathartique. Un spectacle politique, pamphlet historique et actuel. Jouissif et grave.

Marion Guerrero

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