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Tuer la misère

mise en scène Alexis Forestier

: « La Blessure de l’histoire »

Propos d’Alexis Forestier & Charlotte Ranson

L'imaginaire d'André Robillard est empli de souvenirs de la guerre, les russes, les allemands, Hitler, l'aviation militaire, avec pour arrière plan la guerre froide ; ces souvenirs ne s'additionnent pas pour former une conscience politique ou organiser une mémoire de la guerre ; ils sont une accumulation d'éléments ou d'événements qui manifestent une persistance des traumatismes de l'histoire, une certaine forme “d'irréconciliation” à l’oeuvre.


Cette fascination brute, directe, au-delà de tout jugement moral ou de toute préoccupation éthique nous met en présence des signes et des images obsédantes déposés par l'histoire. C'est cette blessure inaltérée par le temps qui se joue et que l'on tente de déjouer sur le plateau, la blessure de l'histoire, mais aussi la blessure de l'être pris dans notre histoire contemporaine, celle du siècle achevé, qui habite sous forme motifs récurrents l'imaginaire d'André.


La structure et la scénographie du projet se sont élaborées à partir de ces images qu'il fait apparaître, peuplées de référents, marquées notamment par la seconde guerre mondiale de même que par divers événements ayant trait à la conquête de l'espace.
André Robillard est également fasciné par les engins spatiaux, les premiers hommes qui ont marché sur la lune, le lancement des spoutniks soviétiques, la comète All-Bopp, les O.V.N.I et les martiens. Il évoque ses rêves qui fréquemment se déclinent sous la forme de voyages sur la planète Mars ou Jupiter ; il a pour habitude de rencontrer des martiens avec trois yeux, le nez décentré, parlant une langue étrange - langue qu'il aime à parler lui-même.


La structure s'organise ainsi à partir d'improvisations d'André - un discours en faux allemand, une conférence sur le lancement des spoutniks, une séquence durant laquelle il imite la langue des martiens - qui ponctuent la trame du spectacle ; le bruissement de la guerre et le murmure des chants révolutionnaires (“Le front des travailleurs”, “La marche de Boudienny”, plus tard “Aux soldats allemands sur le front de l'est”) sont là au commencement comme un arrière plan qui se révèle être avant tout un support de jeu et d'invention, de déconstruction par lequel l'enfance se confond avec l'imaginaire de la guerre. (...)


Les obsessions d'André portent également sur les musique traditionnelles d'Auvergne, de Suisse Alémanique ou d'ailleurs - paysages musicaux familiers aux Endimanchés. Il s'établit alors un dialogue incessant entre le monde d'André, territoire traversé par la culture populaire et les territoires poétiques et musicaux qui sont les nôtres, à la recherche d'une articulation juste, d'un point d'équilibre où puissent se rencontrer voire se télescoper nos désirs et nos possibilités d'investissement mutuels. Nous avons suivi ce chemin notamment à travers différents textes de Paul Celan.


Le combat pour tenir par-delà les bouleversements et les secousses de l'histoire, pour maintenir une part irréductible du vivant, pour Tenir dans la douleur, au coeur même d’une brisure intime, c’est aussi le combat d’André Robillard qui à travers son oeuvre plastique mais aussi sa nécessité d’inventer, de créer des langues imaginaires s’est maintenu dans le mouvement de la vie.
D'autres écrits ont également pris place dans la structure du spectacle : un texte de Fernand Deligny intitulé “Le seau de grenouilles” mais aussi des textes de Karl Brendel.
“Le seau de Grenouille” de Fernand Deligny occupe une position centrale dans le projet. Il donne à entendre l'histoire de Roger Luce, personnage qui ne cède jamais sur son désir, quel que soit le prix à payer, qui se révèle être celui d'une errance indéfinie, d'une certaine impossibilité d'adaptation.
Enfin nous donnons à entendre quelques textes de Karl Brendel, pensionnaire à l'hôpital de Heidelberg et sculpteur dont certaines paroles ont été retranscrites par le docteur Hans Prinzhorn dans son ouvrage intitulé “Expressions de la Folie”. Prinzhorn s’attache à décrire et à analyser les phénomènes pulsionnels de création esthétique, notamment à travers des études de cas et des retranscriptions de paroles de patients. Karl Brendel décrit diverses situations où il se trouve à la fois égaré et persécuté, en proie à des menaces de tous ordres, où la nature elle-même, avec laquelle il entretient une relation d'intimité devient subitement menaçante.
Brendel, ou Roger Luce - à travers le texte de Deligny, sont présents sur le plateau comme des compagnons de route lointains d'André Robillard, à distance de toute perspective d'assimilation, indiquant des potentialités de rencontre, à la croisée de ces chemins sinueux.

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