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The Shaggs (Diptyque Beautiful Losers)

mise en scène Frédéric Sonntag

: Note d’intention de Frédéric Sonntag

« Pour raconter, à notre manière, l’histoire de ce groupe, nous nous sommes penchés sur une des mythologies modernes nées dans la deuxième moitié du 20e siècle : le groupe de rock.


Dès son commencement, l’histoire des Shaggs contient tous les éléments d’un conte ou d’un récit mythologique. Echappant dès le départ au réel, elle s’inscrit dans une dimension fictionnelle et ressemble davantage à un conte qu’à une histoire vraie. C’est cette dimension fictionnelle qui m’a immédiatement intrigué et fasciné, car c’est la capacité d’un groupe de rock à produire de la légende, c’est-à-dire du récit, du mythe, et en un sens de la littérature qui m’intéresse particulièrement dans l’histoire du rock. On retrouve donc ici l’histoire classique d’un groupe de rock : sa naissance, son développement et sa fin. Sauf que tout ici fonctionne à l’envers, tout dans cette histoire prend le contrepied d’une histoire ordinaire, et, de la sorte, en interroge d’autant mieux les motifs et leur influence sur nos imaginaires.


La naissance : les filles qui composent the Shaggs ne veulent pas devenir des stars de rock, elles veulent seulement une vie normale et obéissent à la volonté de leur père, à son injonction, là où, d’ordinaire, ce sont les adolescents qui s’opposent à la volonté de leurs parents, en s’enfermant dans leur garage pour faire de la musique et faire que cette musique soit toute leur vie. Ici, c’est le père qui enferme ses filles dans le garage de la maison familiale en leur ordonnant de composer un album.


Le développement : là où dans la majeure partie des cas, le groupe de rock naissant, après avoir connu un certain nombre de revers, rencontre une forme de notoriété, ici rien ne se passe, rien n’advient, la musique des filles ne récolte que des rejets.


La fin : souvent les groupes de rock finissent mal, ils ne sont pas faits pour durer, soit ils tombent dans l’oubli, soit ils agonisent en de pathétiques et interminable tournées d’adieux, ici c’est l’inverse : the Shaggs va connaître un succès inattendu alors que le groupe n’existe plus.


C’est donc la question de la norme que pose cette histoire. Ces trois filles ne rentrent pas dans le moule, elles ne correspondent en rien à l’image d’un groupe de rock. Car leur musique est hors normes, elle échappe à toute classification, elle n’obéit à aucune mode. L’histoire du rock ne cesse de poser la question de la norme, tout nouveau courant s’oppose au précédent, tout en s’opposant à un certain état de la société, au point que cette posture même, qu’on pourrait qualifier de rebelle, cette posture marginale, a fini par devenir elle-même la norme.


C’est ainsi que the Shaggs inscrivent un geste qui peut se lire comme un geste de vraie rébellion. Face à l’injonction du monde (de la société, incarnée par le père), à devenir une rock star (comme si cette figure était devenue un modèle imposé par la société), les trois jeunes filles répondent par un refus. Si elles finissent par connaître la célébrité, c’est bien malgré elle. Leur musique ne cherche à correspondre à rien, à aucune mode, même pas à celle qui voudrait s’opposer à un système, qui se voudrait délibérément rebelle. La rébellion de The Shaggs, celle dans laquelle Frank Zappa ou Kurt Cobain se sont reconnus, c’est d’être juste ailleurs. »

Frédéric Sonntag

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