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Tendre et cruel

+ d'infos sur le texte de Martin Crimp traduit par Philippe Djian

: …. Martin Crimp

Martin Crimp suit fidèlement la structure de la tragédie et très inspiré, trouve une équivalence contemporaine à chacun de ses personnages :
Il se saisit du redoutable guerrier antique, pour en faire, dans Tendre et cruel, le Général, au service d’une puissance occidentale, poursuivi pour crimes de guerre. Lorsque la pièce commence, on apprend qu’ll est en Afrique, dans une zone de combats, à la poursuite du terrorisme. Bourreau sanguinaire et victime sacrificielle, instrumentalisé par un gouvernement cynique, il n’apparaitra qu’à la fin de la pièce, dans un état pitoyable.


Déjanire devient Amelia, l’épouse du Général ; autrefois belle et désirée, elle est aujourd’hui une femme seule, vieillissante. Réfugiée dans un appartement, près d’un aéroport – saisissante transposition de l’exil de Sophocle – mis à disposition par le gouvernement, depuis que son mari est accusé de crimes de guerre, elle ne sait rien ou ne veut rien savoir des activités brutales du Général. Elle l’aime. Elle se plaint à un choeur de jeunes femmes formé d’une gouvernante, d’une physiothérapeute et d’une esthéticienne. Bienveillantes, mais peu concernées.


Elle envoie son jeune fils James en Afrique à la recherche de son père. James sera le seul lien entre Amélia et le Général, entre le monde des femmes, celles qu’on prend et qu’on laisse, et le monde des hommes, liés aux actes de guerre du Général.


Les deux messagers des Trachiniennes qui viennent annoncer le retour imminent d’Héraclès, deviennent chez Crimp un journaliste, Richard, plutôt charognard, qui vient renifler l’odeur du sang, et un ministre du gouvernement, Jonathan, genre technocrate, téléphone portable à l’oreille, qui impose à Amélia d’accueillir chez elle deux réfugiés africains : une jeune fille, Laela ( l’équivalent de la belle esclave de Sophocle) et son jeune frère, Édu. Amelia émue, est prête à les héberger, quand Richard oblige le ministre à lui dire qu’en réalité, le Général, épris de la jeune fille, a mis une ville à feu et à sang, pour la conquérir.


Pour récupérer l’amour de son mari, Amelia met tout son espoir dans une ampoule remplie d’un liquide inconnu, une nouvelle molécule chimique, qui lui a été offerte par un ami chimiste, un ancien gauchiste employé désormais par le gouvernement. Cette molécule est censée apaiser les pulsions belliqueuses des soldats et leur donner une envie irrépressible de retrouver leur foyer. Amelia dissimule l’ampoule dans un oreiller qu’elle fait envoyer au Général. Le philtre mortel de Sophocle est devenu chez Crimp une arme chimique.


De retour d’Afrique, leur fils James apprend à Amelia que la souffrance infligée par la molécule est si terrible que lui-même n’ose plus toucher son père. Comme Déjanire, Amélia se tue.


Un mois plus tard, on découvre le Général pour la première fois : dévoré de souffrances, amoindri, ayant perdu la raison, méprisé par Laela. Vociférant, demandant si « les Dieux regarderont », le Général est expulsé de la communauté humaine. Le ministre le livre à la justice internationale pour crimes de guerre et dénie toute responsabilité.


Dans la pièce de Sophocle comme dans celle de Crimp, Déjanire/ Amelia et Héraclès/ le Général ne se seront jamais rencontrés !

Brigitte Jaques-Wajeman

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