Tchip, c’est d’abord une rencontre avec le dramaturge Eric Durnez en 2010 dans le cadre d’un atelier d’écriture mené en Guyane, avec l’association ETC Caraibe ( Ecriture Théâtrale Contemporaine de la Caraïbe). Mais c’est aussi une rencontre de cet artiste avec un territoire singulier, la Guyane. Eric Durnez a immédiatement été touché par la jeunesse guyanaise, sa diversité, son parcours : au fil des ateliers, il a dialogué, écouté, interrogé des destins singuliers et a émis son souhait de revenir, pour écrire sur cette Guyane, carrefour de trajectoires si diverses, allant de l’ingénieur du centre spatial de l’Europe au clandestin haïtien, en passant par le le Hmong réfugié politique, les peuples autochtones amérindiens et bushinengués, les descendants d’esclaves, mais aussi de bagnards, les métropolitains en quête de cocotiers et les Brésiliens qui arrivent chaque jour. Territoire vécu par les uns comme une aubaine de protection sociale dans une Amérique du Sud se débattant toujours avec ses vieilles plaies, par les autres comme un pays d'échouement, de rédemption ou de chagrin. Quelques rêveurs aussi, quelques bâtisseurs encore…

Quelle est cette nouvelle Guyane qui connait un taux de croissance record ? Peut-on définir un peuple qui ne cesse de changer ?

Eric Durnez est donc venu en résidence d’écriture, pendant plus d’un mois fin 2011, sans "mission" précise, sauf celle de revoir une série de jeunes que j'avais rencontrés à Kourou et Cayenne. Apprendre à les connaître mieux, prendre du temps, respirer le même quotidien, écouter leur histoire, tenter d'approcher ce qui fait le coeur de leur vie : les drames, les violences, les excès, les joies, les amitiés. Parce que beaucoup d'entre eux savent qu'ils y sont de passage ou en exil, que la plupart ignorent ce que signifie avenir, que dans ce pays, rien ne peut sembler immuable face à l'emprise de la jungle…

Destins, tentatives de s'en sortir, déréliction, initiation… Ingrédients existentiels de cette jeunesse jetée là, pour laquelle tout semble à la fois perdu et possible. Il a ainsi écouté les histoires des jeunes, rencontré les « Gangans » et leurs contes d’antan, questionné les politiques, les anonymes sur cette terre guyanaise. S’il a rencontré beaucoup de personnes sur le territoire de Kourou, il a sillonné le département pour tenter de mieux comprendre les communautés, les enjeux de chaque ville ou village, de Saint-Laurent à Saint-Georges. Il a aussi lu, interrogé notre histoire, et tenté de comprendre celle qui se joue au quotidien, entre tensions et joies, désir d’exil et terre d’accueil.

Nous avons intitulé le projet « Guyane centre du monde », non par orgueil, mais bien parce que nous pensons que la Guyane, par sa diversité, est un « Tout Monde »

Ainsi, en mars 2012, Eric Durnez a livré un premier jet de son texte TCHIP  « Tchip », pour tout Guyanais, est d’abord un son, celui du refus, d’une forme de marronnage moderne, de révolte face à tout comportement qui agace. Ce sera donc la ligne de conduite de ce texte : un défi de la jeunesse. Défi familial, social, éthique, identitaire … le défi d’une vie à construire dans un environnement aux repères brouillés.