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Tambours dans la nuit

mise en scène Dag Jeanneret

: Note d’intention

« le monde est trop vieux pour les temps meilleurs, et le ciel est déjà loué, mes chers amis »
Tambours dans la nuit


Après m’être concentré, ces dernières années, sur la mise en scène de plusieurs spectacles de formats « courts » et « moyens », je souhaite aujourd’hui aborder une oeuvre d’envergure plus importante. Avant tout, il s’agit d’un désir de rencontre : confronter, maintenant, mon expérience artistique à la langue d’un grand auteur du répertoire… Une étape toujours aventureuse et profondément enrichissante dans le parcours d’un metteur en scène. Brecht fait partie de ces auteurs dont on apprend beaucoup, qui interrogent positivement notre pratique.


Tambours dans la nuit, tout comme les autres pièces écrites avant L’Opéra de Quat’sous, reste un texte de Brecht très peu monté. Elle est souvent mal connue, cette oeuvre de jeunesse, dans l’ombre du grand théâtre épique et didactique, et parfois mal considérée : trop potache, pas assez sérieuse, trop chaotique, trop outrancière, trop marquée d’anarchisme et de nihilisme, pas assez… brechtienne ?


En redécouvrant Tambours, j’ai d’abord été saisi par la langue sauvage, impétueuse, heurtée du jeune Brecht, foncièrement différente de celle des pièces plus tardives. Le rythme est débridé, les dialogues accidentés, le ton souvent caustique, le lyrisme sublime et dévergondé, les sentiments désamorcés dans un tumulte effervescent. Rares sont les oeuvres qui, quatre-vingt dix ans après leur parution, nous déconcertent comme celle-ci par la modernité, l’originalité énigmatique de leur écriture.


Mais je pense que l’actualité de Tambours dans la nuit ne se résume pas à ses qualités poétiques. Pièce de la désillusion écrite juste après une grande défaite révolutionnaire et avant la rencontre de Brecht avec le marxisme, elle s’organise autour d’un personnage à la volonté inconstante, sans idéal ni espoir en l’avenir. L’attirance confuse de Kragler pour la révolution se clôt par une régression impulsive et égoïste : retrouver avec sa fiancée la volupté d’un lit confortable… « un attachement animal aux valeurs petites-bourgeoises » écrira Bernard Dort. Dans ces cris de révolte désabusés, dans cette expression de dégoût face à une société injuste que l’on ne saurait faire voler en éclats, j’entends les résonnances de nos propres incapacités à agir contre le monde, l’écho d’un désir trouble de rébellion qui constamment se heurte à la réalité aigre de notre individualisme.


Je ne souhaite toutefois pas réduire la portée de la pièce à ce constat, mais bien plutôt intégrer comme matière de travail la pluralité, le mystère, l’étrangeté dérangeante de cette oeuvre dont Brecht lui-même semble n’avoir jamais su trop quoi penser.

Dag Jeanneret

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