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Synopsis et Squash

mise en scène Patrice Kerbrat

: Combat intime

Entre fidélité à soi et fidélité à l’autre, il y a un espace flou, inconnu, un territoire inexploré et toujours questionné, où celui qui s’aventure se trouve paradoxalement enfermé entre quatre murs. Autant comme un schizophrène, que comme un joueur de squash. Car partenaire il y a, justement : l’autre. Cet autre soi-même qui n’est chaque fois ni tout à fait le même ni tout à fait un autre. Et balle, il y a aussi : ce questionnement – « Et maintenant qu’est-ce qui se passe ? », traduction littérale du titre original de Synopsis, Then What – qui, tel le projectile de caoutchouc, matière agressive, voire blessante, rebondit toujours à vue, sur les cloisons de court fermé et vous oblige à envisager en un temps très bref tous les synopsis éventuels. C’est à ce combat entre la fidélité et l’infidélité devenu, au final, un combat entre soi et soimême que nous convie Andrew Payne. Un combat en deux rounds qui nous permet de respirer avant le K.-O. final. Un spectacle en deux pièces fondamentalement différentes et pourtant intimement liées. Comme la lampe de chevet éclaire le lit. Les personnages de Squash ne se nomment pas comme ceux de Synopsis, n’ont pas les mêmes préoccupations et n’évoluent pas dans le même milieu social et culturel. Rien pourtant ne nous interdit de penser qu’ils en sont le prolongement psychanalytique et que, lorsqu’ils parlent de leur sexualité, dans l’intimité de ce vestiaire de sport et la nudité de leurs corps qui transpirent, c’est parce qu’ils se sentent protégés par le masque de trader que les scénaristes de Synopsis leur ont inventé. Il y a là, pour l’acteur, la gageure d’incarner deux personnages différents dans la même représentation théâtrale. Mais il y a surtout la jouissance d’être au service d’une écriture moderne : les répliques fusent comme autant de pièges tendus à l’autre et à soi-même. Au final, ce qui compte ce n’est pas de se raconter mais de forcer l’autre à se dévoiler. Le profond, l’intime ne peut surgir, s’exprimer qu’à contre-pied, par surprise. L’état d’alerte, l’état de jeu sont permanents. Et s’il s’agit bien d’un combat, c’est que chez Payne, on ne joue pas pour gagner mais pour survivre. Entrer dans l’espace du jeu théâtral est une question de vie ou de mort : la tragédie moderne consiste bien en ce qu’il n’y ait qu’un seul survivant, et que des personnages entrés à deux dans cet espace flou et inconnu, dans ce fameux territoire inexploré, ne ressorte qu’un seul. Amputé à défaut d’être libéré.


Robert Plagnol,
Préface de Synopsis/Squash,Robert Plagnol,
L’Avant-Scène théâtre (Collection des quatre-vents), 2006

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