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Sténopé

+ d'infos sur le texte de Laurent Contamin
lecture dirigée par Jörn Cambreleng

: Présentation

« Deux occidentaux, fuyant une société où l’humain a de moins en moins sa place, se retrouvent face à face au Mali, dans un village traditionnel. Chez les dogons, le monde s’organise autour de l’Homme, de la dualité qu’il porte en lui, mettant en jeu sa fécondité et sa capacité de destruction. Dans la cosmogonie dogon figurent deux jumeaux originels, dont l’un a mangé l’autre, avant que ce dernier ne ressuscite et ne donne naissance à toute la lignée des humains. Les actes des hommes s’inscrivent dans un cycle temporel. Tous les soixante ans, le Sigui, grande fête du pardon, expie la faute originelle. La pièce commence à l’approche du Sigui …


La pureté de cette Afrique traditionnelle, préservée de toute influence extérieure, n’existe plus que dans l’esprit des touristes. A la recherche d’une virginité fantasmatique, ils courent les rares îlots épargnés par leur propre influence. Le tourisme culturel, à la recherche de l’enfance du monde et du paradis perdu, bâtit une mythologie des origines ; la photo ne cadre plus que l’authentique. La pièce évoque ce fantasme, et son envers, celui d’un tiers monde entièrement acquis à la cause terroriste, dangereux vivier de pirates et de rançonneurs de tous poils. Ces deux fantasmes constituent sa toile de fond, une Afrique imaginaire rêvée par les blancs. La forteresse occidentale reconstruit son ailleurs mythique.


Laurent Contamin invente lui aussi une Afrique. Mais celle-ci est ouverte : Alou, le fils du hogon du village (chef spirituel), fait de l’import-export en Côte d’Ivoire. Son père, gardien des traditions, reconnaît en l’homme du nord une fécondité venue de l’extérieur. Iréli est une femme libre, affranchie. Jean Dianogo, qui pratique la médecine occidentale, est « fatigué de ce peuple aux pieds terreux » qu’il essaie de soigner. Bako, le chevrier qui reçoit l’héritage spirituel, partira faire du flysurf sur la côte sénégalaise ...


La portion d’humanité rassemblée là est faite de gens qui, chacun à leur manière, sont des marginaux. Sténopé concentre l’altérité. L’autre étant peut-être le meilleur moyen de parler de nous-mêmes. Or, Ce détour par l’autre se retrouve dans la langue. La pièce fait cohabiter différents parlers par un jeu sur la convention théâtrale. Tantôt le français représente du français, tantôt il représente du toro, nous sommes alors en présence de l’invention d’une langue prétendument traduite, chargée pour le spectateur français d’une poétique étrangère et d’une étrangeté poétique. Tous les personnages ne se comprennent pas entre eux. Tantôt la parole sert à communiquer à travers le sens, tantôt elle traverse ceux qui la disent, à leur insu.


La réception de cette langue place le spectateur dans une situation très particulière. L’opacité, toute relative, l’étrangéité de la langue désarçonne, et nous réveille l’oreille. Elle féconde le français.


L’Afrique est rêvée comme un double utérus fantasmatique. Matrice du monde et matrice de sa destruction. Rêvée comme le lieu de la fécondité. Marthe, « l’ethnographe » assimilée croit avoir trouvé en l’Afrique un lieu où l’homme peut vivre en harmonie avec le cosmos. Tyko Asplund, le photographe égaré en Afrique, et Bako le chevrier banni, sont finalement les deux seuls qui ne prétendent pas avoir trouvé le lieu, ni être dans le bon terroir. C’est peut être pour cela qu’ils sont porteurs d’une fécondité, que la fécondation devient possible. »

Jörn Cambreleng

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