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Stallone

mise en scène Fabien Gorgeart

: Emmanuèle Bernheim. La joie du sursis.

Mais le passage du cinéma au théâtre se fera aussi tout simplement par l’écriture d’Emmanuèle Bernheim. Il est évident que son style littéraire est aussi vivant qu’une parole et aussi concis et construit que le traitement d’un scénario - Emmanuèle Bernheim a été scénariste et compagnonne de travail de cinéastes comme Claire Denis, François Ozon, Olivier Assayas ou Alain Cavalier. La structure narrative du texte Stallone, simple et articulée offre l’avantage de commencer le travail d’approche du texte avec la certitude qu’il y a une dramaturgie solide qu’il faut préserver et mettre en valeur. Il ne s’agit pas de déconstruire le texte. L’histoire de Lise a un début, un milieu et une fin. Une vie qui défile à la vitesse d’une comédie et qui est construite comme un drame.
Stallone se présente donc comme le récit d’un sursis de vie vivace, électrique et incroyablement drôle. Le chant du cygne mais dans sa version rock !
Le style d’Emmanuèle Bernheim, ciselé et rapide, fait de la ponctuation une ellipse chez elle ! Ses textes, toujours courts comme des nouvelles, n’ont pas le temps de trier ce qui est joyeux et ce qui est triste. On vit on meurt. C’est tout. On le sait. On peut se faire surprendre par l’arrivée soudaine de la mort - un peu comme un rendez-vous programmé il y a longtemps pourtant, mais qu’on a oublié à force d’être trop occupé. Chez Emmanuèle Bernheim, la vie devient donc une performance physique. Soyons concentrés, concis et essayons de ne pas nous rater. Vivre beaucoup et vite. C’est à mon sens dans cette dynamique de sursis que nous touchons la profonde poésie et mélancolie de l’important travail d’auteure d’Emmanuèle Bernheim.


Mais il y a bien sûr un point important qui donne une troublante valeur à son livre aujourd’hui.

À l’instar du personnage principal Lise, Emmanuèle Bernheim a décidé de prendre sa vie en main après avoir été galvanisée par la vision de Rocky 3, l’œil du tigre. C’est ce qui lui a donné l’idée du livre. Mais aussi, comme Lise, elle décèdera d’un cancer rapide et impitoyable - Serge Toubiana, son compagnon, en a fait le récit dans Les bouées jaunes, un bouleversant portrait d’Emmanuèle Bernheim - mais ça, elle ne le savait pas encore quand elle l’a écrit.
Stallone, la nouvelle, devient alors une prémonition, et acquiert le statut d’autobiographie a posteriori. En le soulignant et en le prenant en compte dans le travail d’adaptation théâtrale, il ne s’agit pas de tomber dans une forme de mysticisme mais simplement ne pas ignorer, et d’interroger cette vertigineuse cohérence poétique chez Emmanuèle Bernheim. Comme si elle avait prévu, vu sa propre mort. Comme si elle avait, avec Stallone, annoncé le programme, elle nous raconte avec concision, joie, légèreté et sans le savoir, la forme de son propre sursis face à la mort.

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