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Sous la ceinture

+ d'infos sur le texte de Richard Dresser traduit par Daniel Loayza
mise en scène Delphine Salkin

: Une extraordinaire et jouissive matière à jeu

Trois hommes dans une parabole satirique, un huis-clos où l’hilarité et la vivacité, loin de nuire à la gravité du propos, lui donneraient plutôt un relief inattendu. Quelque part au milieu d’un désert, un nouveau venu – Dobbitt – vient prendre son poste de Vérificateur et fait la connaissance de son collègue Hanrahan, avec lequel il lui faudra partager une chambre. Hanrahan voit d’emblée en Dobbitt un rival et le traite comme tel. A ses yeux, il est essentiel de le dégoûter tout de suite, afin que Dobbitt se décide, et le plus tôt sera le mieux, soit à repartir, soit à se suicider (il semble que tel ait été le triste sort du prédécesseur de Dobbitt). Dans ce but, Hanrahan déploie d’entrée de jeu des trésors d’odieuse mauvaise foi, de méchanceté, de mesquinerie humiliante, de logique psychotique, et peu s’en faut que ses efforts pour rendre l’autre fou ne soient couronnés de succès. De son côté, Dobbitt est plutôt du genre conciliant. Pour son propre bien comme pour celui de la compagnie, il se montre toujours prêt à y mettre du sien, à faire un geste pour éviter tout conflit, étouffer dans l’oeuf les équivoques malsaines et ne pas être pris pour un lèche-bottes hypocrite et ambitieux. Bien entendu, leur supérieur hiérarchique, le glauque Merkin, trouve autant de plaisir que d’intérêt à souffler sur les braises. Que faire d’autre, dans ce désert anonyme, pour passer le temps ?


On l’a compris, Sous la ceinture est une pièce qui décrit avec une remarquable acuité un certain monde de l’entreprise. Mais l’entreprise elle-même n’est qu’une métaphore commode, au même titre que le désert ou que les étranges créatures qui y rôdent. Peu importe ce que fabrique cette usine, peu importe quelles unités Dobbitt et Hanrahan sont censés vérifier. Nous ne le saurons jamais, mais nous entrevoyons assez vite que ce désert n’est peut-être pas tout à fait naturel, et que les bêtes aux yeux jaunes qui paraissent assiéger l’usine ont peut-être de bonnes raisons de lui en vouloir. Pendant que les hommes se déchirent et s’égarent dans leurs propres pièges, le monde nocturne et son peuple inquiétant accentuent silencieusement, inexorablement, leur pression sur les palissades…


Qu’on me permette d’ajouter que j’ai éprouvé un grand plaisir à traduire cette pièce, variation discrètement orwellienne et faussement légère sur un thème à la Brazil d’un auteur qui m’était – je dois bien l’avouer – parfaitement inconnu. Un ami programmateur me l’a fait connaître, après l’avoir vue montée en Allemagne, il y a quelques années, par Thomas Ostermeier. A ma connaissance, elle n’a jamais été traduite ni mise en scène en France.


Dobbitt, Hanrahan et Merkin sont trois personnages remarquablement dessinés, dont les affrontements, sans aucun temps mort, divertissent, tiennent en haleine et donnent à réfléchir de bout en bout. Je suis convaincu qu’il y a là, pour les trois interprètes des rôles, une extraordinaire matière à jeu.

Daniel Loayza

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