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Sous d'autres cieux

d'après Aeneis de  Virgile
mise en scène Maëlle Poésy

: Note d'écriture / dramaturgie / traduction

Au départ de ce spectacle, il y a l’envie de poser/se poser des questions très intimes : comment hérite-t-on de l’exil de nos parents, de nos grands-parents ? Comment fonctionne notre mémoire à nous qui n’avons pas vécu l’exil et qui pourtant le ressentons ?


On apprend qu’il y aurait, d’un côté, la mémoire de ce qu’on a vécu. Ce dont on garde mémoire précisément pour l’avoir éprouvé. De l’autre, une mémoire transmise d’événements, de sensations, de temps, antérieurs à nous-mêmes et dont pourtant nous sommes les légataires. Or, il apparaît que nous sommes bien composés, agis, déterminés, hantés par ces deux mémoires. L’héritage et le vécu se mêlant indistinctement.


La mémoire permet d’acquérir des informations, de les conserver et de les récupérer au moment opportun. Mais il y a l’envers du médaillon : l’oubli, renforcé par le passage du temps. Mémoire et oubli fonctionnent bel et bien ensemble. Si la mémoire n’est pas une chose fixe, si elle se façonne, si elle possède sa plasticité, si elle est mouvement, l’oubli aussi. Loin de représenter deux fonctions antagonistes, ils partagent au contraire les mêmes objectifs : gérer de façon optimale la montagne de souvenirs qu’engendre la vie.


Dans l’Énéide de Virgile, le héros passe son temps à rappeler sa quête : fonder Rome, la nouvelle Troie, de façon obsédante. Mais il passe un temps conséquent à raconter son histoire, sa fuite, son errance. Le fabuleux poème nous offre une matière élémentaire. Comme une entreprise d’excavation, Énée permet de toucher une sorte de mythologie que nous portons en nous. Une mythologie irrationnelle, faite d’images, de sensations, comme si l’on s’approchait d’un rêve.


Nous tenterons de dessiner des cartes aux frontières mouvantes que sont celles de la mémoire à travers un voyage non exhaustif entre l’Énéide et les contributions récentes que la philosophie et la neuropsychologie ont formalisé. La rencontre de scientifiques nous permettant notamment d’appréhender les différents processus dont les neurobiologistes s’appliquent à décrire la physiologie intime. Enregistrant des voix, nous prendrons des bribes d’aveux, de nostalgies, de formations d’espoirs, d’évidentes réussites afin de dessiner les mythes et les mythologies inconscients et collectifs de notre mémoire de l’exil. Faisant nôtre cette considération de Virgile sur le « voyage inépuisable », l’exil qui se perpétue tant qu’il est raconté, et qui se transmet autant dans ses silences que dans ses explications.


Entre le travail de traduction méticuleux du latin, il s’agira parfois de s’éloigner du texte pour en rendre toute sa puissance orale, son incroyable souffle épique. Nous procéderons comme des scénaristes, tissant, récoltant, montant les séquences du spectacle au gré des rencontres et des répétitions. De telle sorte de donner à ressentir par la forme-même de la pièce un « rapport au fonctionnement de la mémoire » : à son incroyable énergie d’invention et de résilience.

Kevin Keiss

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