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Soudaine timidité des crépuscules

mise en scène Guy Delamotte

: Note d’intention - II

Projet d’écriture d’un texte pour le Panta-théâtre

Le travail que j’ai mené à l’automne 2007 auprès des élèves du Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne, dans le cadre de leur projet de fin d’étude où j’intervenais en tant que dramaturge et collaborateur artistique, a été pour moi l’occasion d’engager une première réflexion sur la place du texte dans le nouveau cirque, aussi bien sur les modalités de présence du texte dans la pratique circassienne que sur le processus d’écriture proprement dit. Depuis, cette réflexion a continué avec grand intérêt à faire son chemin en moi, sans trop savoir quelle serait la prochaine occasion qui me permettrait de la poursuivre concrètement mais avec l’espoir que celle-ci puisse se produire prochainement.


C’est donc avec grand plaisir que j’ai accueilli la proposition de compagnonnage de Guy Delamotte et du Panta-Théâtre, suite à notre rencontre autour de la création de ma pièce Nous étions jeunes alors. D’une part, parce qu’il s’agit de m’associer à une structure et de développer une série de rencontres et d’échanges autour de mon écriture tout au long d’une saison, de faire ainsi connaître mon travail et ma démarche et, par la même occasion, de la questionner. D’autre part, parce qu’il s’agit d’écrire dans la perspective de mise en scène qui ne sera pas la mienne (alors que j’ai, jusqu’à présent, l’habitude de mettre en scène mes textes) et que je me réjouis de cette confrontation de mon écriture à un autre regard. Enfin, parce que Guy Delamotte me propose d’écrire pour des circassiens et que cette pro-position ne pouvait pas mieux tomber au vu des mes récentes interrogations sur le rapport du texte à la pratique de cirque.


De mes premières rencontres avec Guy Delamotte et de nos premiers questionnements, se sont déjà dégagés un certain nombre de points qui nous ont permis de préciser le cadre de cette commande et mes premières intentions.


Il s’agit de répondre à une commande pour acteurs et circassiens, d’écrire un texte dans l’optique d’une création qui mêlerait un ou plusieurs acteurs à au moins deux interprètes de cirque. Une fois posé ce cahier des charges, nous avons eu très vite la certitude, avec Guy Delamotte, qu’il s’agissait d’écrire un texte non pas tant pour des interprètes de cirque qu’à partir d’eux, à partir de leur pratique. Qu’il s’agissait moins d’envisager un texte qui serait par la suite illustré par une pratique circassienne que de considérer que cette pratique est une forme d’écriture et conditionne le texte dès le départ. Se poser la question du texte vis-à-vis de la pratique de cirque, c’est non seulement voir comment la littérature peut s’articuler avec elle, mais également comment celle-ci possède sa propre textualité et déplace par conséquent le processus d’écriture. Nous avons donc eu la conviction que celui-ci ne pouvait alors se dérouler complètement coupé du plateau, qu’il fallait imaginer à un moment donné un temps qui permettrait d’échanger, d’éprouver cette écriture commune. D’où l’idée d’un temps de laboratoire à l’intérieur du processus d’écriture.


De premiers thèmes se sont détachés, liés à la nature des interprètes de cirque pressentis, liés également à des premières discussions et des préoccupations communes : la question des niveaux de réalité, de la co-existence de mondes parallèles, d’un monde infra-réel ou supra-réel, le monde de derrière le miroir (Lewis Caroll) ; la thématique du double, d’une identité égale à soi qui n’est pourtant pas soi, la figure du Doppelganger, fortement représentée dans la littérature (cf Dostoïevski pour ne citer que lui) ; la métamorphose, la transformation du corps ; la figure de l’étranger et son contre-point, la cellule familiale.


Un univers se dessine alors, à partir de ses thématiques, celui d’une réalité très concrète, quotidienne, à l’intérieur de laquelle fait irruption un événement ou une présence fantastique qui vient remettre en question, perturber, la nature de cette réalité. J’irai donc lorgner du côté d’un fantastique onirique japonais qui m’est cher (celui de l’écrivain Haruki Murakami ou celui du cinéaste Kiyoshi Kurosawa), aussi bien que du côté d’un fantastique plus américain (Lynch pour ne citer que lui parmi les cinéastes (mais on pourrait en citer bien d’autres), Jeff Wall et Gregory Crewdson parmi les photographes qui ont beaucoup travaillé à partir du cadre et du stéréotype de la petite ville américaine et de cette intrusion du fantastique dans le réel). Le travail sur l’univers clos de la petite ville, déjà présent dans certaines de mes pièces précédentes, pourra par ailleurs s’ancrer dans le territoire et s’inspirer de mes séjours dans le département du Calvados. Cette irruption du fantastique dans un univers réaliste trouve écho, quant à elle, dans la forme même que nous souhaitons abordée, dans l’irruption de la forme circassienne dans un univers théâtral.


Une piste formelle s’est également dégagée née d’une préoccupation commune du statut de l’image sur scène et du rôle qu’elle pourrait ici jouer dans le processus d’écriture. Le travail sur l’image intervient donc comme une piste à explorer et comme une interface possible entre acteurs et circassiens.

Frédéric Sonntag

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