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Soudain l'été dernier

mise en scène René Loyon

: Note du metteur en scène

Que s’est-il passé à Cabeza de Lobo, pittoresque cité « balnéaire » d’un pays imaginaire du tiers-monde ? Sébastien Venable, héritier d’une riche famille de la Nouvelle-Orléans y meurt dans des conditions mystérieuses. Le seul témoin de l’événement, sa cousine Catherine, qui l’accompagnait dans son voyage, en fait un récit si effroyable et si peu vraisemblable qu’elle est déclarée folle, et internée. Mais, malgré le traitement qu’elle subit et les pressions de sa famille pour la ramener à la raison, elle s’obstine dans sa version des faits. Une obstination si insupportable à Madame Venable, mère de Sébastien, qu’elle décide de faire appel, sous couvert de l’aide fi nancière qu’elle pourrait lui apporter dans ses recherches, à un jeune psychiatre, spécialiste d’une nouvelle pratique prometteuse en ces années 30 : la lobotomie…
Ainsi commence Soudain l’été dernier.
Sud profond, ambiance tropicale suffocante, famille patricienne toute-puissante, violence d’une société marquée par l’injustice sociale, le racisme, l’homophobie. Nous sommes dans le monde de Tennessee Williams, un écrivain singulier, et à bien des égards méconnu, qu’il importe aujourd’hui de faire entendre au-delà des clichés du naturalisme à l’américaine et du code de jeu psychologique abusivement accolés à son oeuvre.
Soudain l’été dernier ramasse, exemplairement – loin de toute rhétorique simpliste mais dans une compréhension profonde de leurs enjeux psychiques – les thèmes du racisme et du rapport à l’autre. La peur de « l’homme de couleur » s’y exprime dans une étrange ambivalence où se mêlent désir et répulsion, sur fond de fantasme anthropophagique ; l’arrogance et la culpabilité du Blanc riche et dominateur s’y heurtent à la réalité d’un tiers-monde inquiétant, en proie à une pauvreté grandissante. Comment ne pas penser aux images du désastre provoqué par le cyclone Katrina, ou aux émeutes de la faim en Haïti et en Afrique, ou encore au déchaînement fantasmatique qui a accompagné les « émeutes » de novembre 2005 dans nos banlieues parisiennes ?
Dans sa dimension à la fois réaliste et onirique, Soudain l’été dernier est une pièce sur la peur : la peur de l’étranger, la peur de l’homosexuel, la peur du fou, la peur de l’inconnu… À ce titre, elle est évidemment d’une irrécusable actualité.


Cette actualité, nous la ferons d’autant mieux entendre que nous travaillons sur une traduction nouvelle, demandée à Jean-Michel Déprats et Marie-Claire Pasquier (à paraître dans le volume de la Pléiade consacré à Tennessee Williams) qui tranche radicalement avec celle des années 50, la seule publiée à ce jour.

René Loyon

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