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Soudain l'été dernier


: Présentation

Soudain, l’été dernier, quelque chose s’est rompu. Jusque-là, la vie de Sébastien Venable suivait son cours, aussi régulier qu’un phénomène naturel. Tous les étés se succédaient, se ressemblaient, et il y en eut vingt-cinq. La saison venue, Sébastien partait en voyage à l’étranger avec Violette, sa mère. Leur couple, nous dit-elle, vivait d’une vie quasi divine, comme en un rêve, hors du temps. Et chacun de ces longs séjours donnait à Sébastien l’occasion d’ajouter un poème – un seul par an – au livre de son œuvre unique, le Poème de l’été. Car il était poète avant tout.


Telle est la version de Violette. Telle est sa vérité.
Il ne peut pas, il ne doit pas y en avoir d’autre.


Sébastien est mort soudain, à Cabeza de Lobo, l’été dernier. Dans quelles circonstances ? Pour une fois, Violette n’accompagnait pas son fils. Pour quelles raisons ? Quelque chose n’est pas dit. Quelque chose ne doit surtout pas l’être. Aux yeux de sa mère, la mort de Sébastien n’a pas à être interrogée. Elle est un point final, parachevant l’existence du poète sur une note tragiquement abrupte, peut-être, mais sans en modifier profondément le sens. Elle est aussi un point aveugle, car Violette ne peut admettre que le véritable Sébastien ne coïncide pas avec l’icône impeccable à laquelle elle voue un culte fanatique. En voyageant sans elle pour la première fois, son fils lui avait échappé ; davantage, il l’avait trahie en acceptant la compagnie de sa cousine Catherine. Aujourd’hui, la jeune rivale doit en payer le prix. Ce sera d’ailleurs « pour son bien » : n’a-t-elle pas perdu la raison ? Internée, lobotomisée, Catherine retrouvera la paix... et cessera de propager, sur la mort de Sébastien, une rumeur affreuse, forcément fausse, un pur délire.


Telle que la raconte Catherine, la mort de Sébastien est comme un cratère par lequel le réel risque de remonter, dévastant tout sur son passage.


« La vérité vous rendra libres » : cette parole d’Évangile, le théâtre américain du XXe siècle n’a cessé de l’interroger et de la subvertir. Nombre de ses chefs- d’œuvre reposent sur une dramaturgie de la révélation. Mais la révélation peut s’avérer aveuglante, voire traumatique, quand la vérité qu’elle dévoile n’est pas celle des faits, mais celle du psychisme, donnant ainsi accès, note Stéphane Braunschweig, « à des strates plus profondes de réalité ». C’est là le point qui intéresse le metteur en scène, celui où le vrai n’a plus pour terrain l’histoire «objective » mais la vie intime, telle qu’elle s’enracine dans les corps : « ce qui me passionne dans Soudain l’été dernier, c’est la manière dont la réalité se révèle sous les airs du plus terrifiant des fantasmes ». Invérifiable, incomplète, parfois incroyable et jamais officielle, une telle vérité demande moins à être établie qu’à être produite. Elle ne se laisse plus séparer d’un dire-vrai, de ce qui s’appelle une parole : d’un effort pour articuler ce qui exige de l’être, malgré tous les obstacles. Parfois au risque de la folie.


Stéphane Braunschweig

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