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Seuls dans la nuit

mise en scène Anthony Thibault

: Présentation

Un soir d’hiver, alors qu’elle rentre chez elle en voiture après son travail, Nour une aide à domicile de cinquante-cinq ans, est confrontée à un phénomène lumineux aussi beau qu’étrange au milieu des vignes rémoises. Cet événement, indéfinissable et peu partageable avec ses proches, lui ouvre des horizons nouveaux et vient déstabiliser son « inaltérable légalité quotidienne. » En empruntant autant à la sociologie, à la poésie qu’au genre fantastique, ce texte viendra interroger sur scène notre rapport au merveilleux, au cosmos et à l'« impalpable. » Pour mieux raconter nos vies d'ici ?


À travers la rencontre avec un événement aérospatial non identifié, nous souhaitons interroger sur scène notre rapport au mystère et à l'infini, à l'impalpable. Mystère qui positionne l’humain non plus au centre mais l’inscrit dans un tout, dans l’univers, modifiant ainsi la relation intime que nous entretenons avec notre environnement proche ou lointain. Et créer par là un texte fantastique tel que défini par Roger Caillois : « Tout le fantastique est rupture de l'ordre reconnu, irruption de l'inadmissible au sein de l'inaltérable légalité quotidienne. »


Il s’agit de raconter l'histoire d'une femme de cinquante cinq ans, habitant en milieu rural, qui va vivre une expérience déstabilisante (mais peut être fondatrice) : celle de la vision d'un phénomène mystérieux et « beau » près de chez elle. Notre envie n'est pas de centrer l'intrigue sur cet événement en tant que tel, mais plutôt sur ce que cet événement modifie dans la vie de cette femme, et en quoi il lui ouvre (peut-être) des horizons nouveaux, surprenants voire radicaux.


Comme l'explique Arnaud Esquerre dans son ouvrage Théorie des événements extraterrestres : l'événement captant le plus l'attention dans un témoignage n'est pas l'apparition dudit phénomène, mais sa disparition – c'est-à-dire son imperception. Comment alors un objet mystérieux qui sitôt apparu disparaît, peut-il troubler quelqu'un.e au point de modifier durablement son rapport au monde et à sa propre existence ? Quel sens donner plus généralement à un phénomène non expliqué ? En quoi l'observation de l'espace peut-elle susciter une parole scientifique et poétique qui engage autant notre rêverie que notre soif de comprendre, de savoir qui nous sommes, où nous (en) sommes ? De quelle manière la « fiction » et la « vérité », la connaissance « mythique » et la connaissance « scientifique » sont-elles complémentaires en cela qu'elles tentent chacune à leur manière, et dans des langages différents, d'expliquer un pan de réel ?


Nous voulons aussi à l'occasion de ce texte parler d'amour – pas de celui qui naît ni de celui qui se fissure : mais de celui qui dure. D'une longue histoire d'amour entre deux être qui ont partagé la quasi totalité de leur vie ensemble, Paco et Nour. Qu'est-ce que le quotidien use ? Qu'est-ce que le temps sublime ? En quoi un événement extraordinaire peut-il venir troubler ce qu'on croyait acquis entre un homme et une femme mariés qui s'aiment ? Comment la vie de Madame B., veuve de quatre-vingt-dix-ans, peut-elle nous renseigner sur ce qu'est la perte d'un mari, la perte d'un quotidien partagé, ce qu'est de côtoyer les étoiles aussi par le prisme de la mort ?


Sur scène, trois comédien.ne.s. Le personnage de Nour, au centre, est accompagnée par son mari, Paco. Après avoir assisté à un phénomène lumineux étrange Nour retourne sur les lieux de cette rencontre. Elle se souvient alors d'une information essentielle : une personne en jaune était également présente au loin lors dudit événement. Elle part à sa recherche en espérant trouver des réponses. A la fin de son enquête, Nour rencontre finalement cette « fille au pull jaune » fortuitement. Elle entreprend de lui raconter sa vie depuis la disparition de ça. Son histoire bouleverse cette jeune fille, qui décide alors à son tour de partager l’histoire de Nour en la racontant à d’autres. Quand le spectacle commence, nous en sommes là : la fille au pull jaune est la narratrice de cette histoire - celle de Nour comme la sienne, de leurs parcours singuliers qui finissent par se trouver liés. Mais comment partager avec les spectateur.rice.s cet indicible qu’elles ont vécu ?


Le plateau est de ce fait l’espace de l’imaginaire, où les mots de la narratrice font resurgir le phénomène mystérieux disparu. Il est donc difficile de reproduire et donc de figer un tel événement sur un plateau. La parole est l’outil le plus efficace pour déployer, convoquer et suggérer cette histoire aussi fantastique que quotidienne. L’écriture de Gwendoline Soublin appelle un théâtre de l’oralité, un théâtre pauvre, presque nu, avec une table et quelques chaises, pour que chacun.e puisse se projeter dans ces paysages rémois et cosmiques. Elle demande un véritable travail d’orfèvre pour toute l’équipe, afin que l’histoire puisse exister dans l’imaginaire des spectateur.rice.s sans leur imposer des images préétablies. Travailler par la soustraction. Donner à entendre plutôt qu’à voir. Le son et la lumière composent l’armature-même du spectacle, appellent le hors-champs, suggèrent et rendent visible l’invisible. Nous souhaitons que les mots soient des images. Que les mots offrent des ponts entre le palpable et l’impalpable, le quotidien et l’imaginaire, l’ordinaire et le mystère.

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