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Seule dans ma peau d'âne

+ d'infos sur le texte de Estelle Savasta
mise en scène Estelle Savasta

: Langages et univers

Dans le Grand Cahier, un comédien sourd et une comédienne entendante jouaient le même texte simultanément et côte à côte, chacun dans sa langue. Souvent des spectateurs ont dit n’avoir regardé que les signes du comédien sourd et, parce que la voix de la comédienne entendante leur parvenait sans cesse, ils avaient eu la sensation de tout comprendre. Comme il y a une mémoire du corps et une mémoire de la tête, j’avais l’envie d’aller plus loin dans cette idée d’un langage du corps et d’un langage de la tête qui se relaient et se complètent.


Il n’y a pas de mots sur le plateau et pour prendre le relais de ce qu’il s’y passe, un univers sonore qui est là de la première seconde à la dernière, et qui nous englobe tout entier. Un univers avec des choses douces et des ritournelles déglinguées, avec des petits airs obsessionnels et des dérapages de gramophones, avec des pleurs de violoncelle et des comptines éraillées. Et puis la voix entre là pour nous dire l’histoire. J’avais imaginé une voix qui entre et sorte et se mêle à tout ça jusqu’à ce qu’on ne s’en aperçoive plus. Je crois que c’est ce que ça fait. Comme un secret chuchoté qui entre sans qu’on le sache. Une bande son composée pour et sur le mouvement. Une bande son avec des bruits de portes ou d’escaliers, des bruits de pluie, des bruits de larmes...


J’avais envie de continuer avec la langue des signes. Même si c’est un tout petit peu. Comme une langue secrète. Elle est ici la langue des histoires que l’on raconte à soi-même. La langue des petits mots d’amour que l’infante se répète pour dormir. Comme une petite danse magique pour se tenir chaud. Comme une beauté que je n’aurais pas du tout fini d’explorer.


Et puis je vais continuer avec un univers de brico-bidouille, mais j’aimerais que cette fois-ci il soit assez vide pour parler d’un monde juste un peu trop grand. Je vais continuer avec les objets, et tenter de faire des images qui racontent autrement que les mots. Il y en a que je connais déjà, il m’en reste à découvrir. Je sais qu’il y a une robe blanche suspendue en guise de maman et qu’elle sera grignotée par la lumière tout au long du monologue d’au revoir. Il y a peut-être un bal de poupées laides et un banquet sans invités. Je sais que l’infante hisse ses robes très haut. Puis qu’elle se bande les yeux comme les condamnés des navires de pirate. Qu’elle s’avance doucement. Et que nous la voyons apparaître avant elle et lui tomber dessus comme la pire des glues. Je sais que la peau d’âne, à la fois refuge et prison, est un vieux manteau dans lequel elle est enfermée toute entière. Je sais qu’un enfant en colère cogne parfois à l’intérieur. Je sais qu’elle lutte, qu’elle abandonne et que parfois elle pleure. Je sais que chaque fois que des larmes ruissellent sur ses pieds elle pousse un peu et qu’une tête, un pied, une main sortent du manteau comme une pousse de terre.


Je sais que la fin est lumineuse. Parce que si je n’ai pas envie de prendre la responsabilité de raconter qu’il y a un seul anneau pour un seul doigt, que prince et princesse se reconnaissent toujours immédiatement et vivent heureux éternellement (et facilement), j’ai en revanche envie que ma Peau d’Âne sorte de là forte, lumineuse, prête.


Je ne sais pas tout mais je sais que cette fois-ci ce sera doux.

Estelle Savasta

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