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: La commande aux auteurs

Franck André Jamme – Le chant des listes de l’Homme


« Ecrire pour douze souffleurs douze séries de quatre listes (sous la forme d’une liste-mère suivie chaque fois de sa triple déclinaison). Le voeu étant de produire de légers glissements du terrain de chaque liste-mère, si possible jusqu'à embrasement de l'atmosphère spécifique à chacune de ces "mères". Et de provoquer chez le spectateur une sorte d'ébriété à la seule écoute de l'écoulement de cette lente avalanche de propositions de plus en plus incandescentes. »


Extrait



Il chantait ses listes :


les terribles inélégances
de la mémoire


les êtres
qui ont juste le souhait
maintenant
d’avancer encore sur la route
et pas à pas
ils ne deviennent plus
que ce vœu


les pensées
après lesquelles


pendant longtemps


il n’y a plus de pensées



Il chantait ses listes :


Les pensées
derrière lesquelles
attendent
des milliers de pensées


les atroces vérités
de la mémoire


les êtres
qui s’arrêtent subitement
sur le chemin
et peu à peu
ils se transforment
en pierres



Il chantait ses listes :


les très délectables élégances
de la mémoire



les pensées devant lesquelles
se dresse tout à coup
une immense pensée



les êtres
qui se mettent à rêver
sur la route
et peu à peu
c’est le chemin
qui se mue
en leur songe




Il chantait ses listes :


les pensées
toujours grosses


qui n’arrêtent jamais
d’en enfanter d’autres


les mensonges salutaires
de la mémoire


les êtres
qui décident tous ensemble
maintenant
de se mettre
à danser sur la route
et peu à peu
le chemin ne peut plus s’appeler
que le bal





Valérie-Catherine Richez - Petit âme II


Le travail d’écriture de Valérie-Catherine Richez pour Sédimentation des Bourrasques porte sur l’inouïe possibilité pour la pensée de déployer de la superficie, du paysage, du survol géographique, du voyage physique rêvé.
L’espace du monde extérieur, numérisé, déroule ses routes avec certitude. Et ce sont des voix humaines synthétiques qui corrigent l’erreur de trajectoire de l’homme. L’espace du monde intérieur est encore indompté, les objectifs de la divagation intérieure sont mouvants, mouvementés, bousculés par les rencontres avec l’image, le souvenir ou l’émotion.



Extraits



« Prends l’entier du ciel dans ton crâne ! Ouvre-le jusqu’aux horizons, jusqu’au levant, jusqu’au couchant ! Fais tout entrer dans sa nacelle : nuages, constellations, planètes ! — Nous sommes si grands sans le savoir...



« Rappelle-toi tes jeux d'enfant : tu courais en entourant les choses d'un invisible fil, afin de les emporter plus sûrement dans ta course, de les garder ainsi ficelés en toi à tout jamais.



« Rappelle-toi cela qui demeure — qui demeure sans fin de la vie : l'émerveillement d'un matin qui t'avait ouvert la poitrine.



« Pense aux petites flammes qui descendaient le fleuve en tournoyant sur leurs légers radeaux de paille — comme si toutes les larmes du monde les y avaient menées.



« Pense à cette lourde barrière t'arrivant à la taille. Au-delà : des immensités interdites. Tu soulevais ta main, tu agitais l'air : serait-il possible un jour de tout prendre avec soi, l'horizon même, comme on ramènerait la mer dans son filet ?

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