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Sauve qui peut, pas mal comme titre

mise en scène Matthias De Koning

: La Pièce

La soupe est pleine de nazis. « Au lieu de la bonne vieille soupe aux nouilles nous avons tous les jours la soupe aux nazis sur la table rien que des nazis au lieu de nouilles », ironise méchamment Thomas Bernhard avec la verve acide qu'on lui connaît. Le nazisme, c'est plus fort que lui, il n'arrive pas à le digérer ; ça lui reste en travers. On a beau dire « C'est fini tout ça, c'est du passé », lui, il n'y croit pas, il n'y a jamais cru. Aussi s'est-il acharné dans ces pièces courtes que sont les Dramuscules écrits tout au long de sa vie à pointer la persistance du fascisme dans la vie de tous les jours.
Jolente De Keersmaeker, Sara De Roo et Damiaan De Schrijver, trois membres de tg STAN se sont emparés, sous le regard bienveillant de leur ami et mentor Matthias De Koning, de ces textes au vitriol. Le public du Théâtre de la Bastille se souvient forcément de Tout est calme (Maître) où l'esprit des STAN amplifiait avec bonheur l'humour dévastateur de l'écrivain autrichien. C'est avec cette même verve qu'ils abordent à présent sous le titre Sauve qui peut quelques uns de ces Dramuscules qui constituent en quelque sorte la suite de leur aventure avec Thomas Bernhard. « L'auteur y va directement sans passer par quatre chemins dans ces textes. Il nous montre des gens bornés qui n'ont pas digéré leur passé fasciste », explique Damiaan De Schrijver à propos des personnages mis en scène dans ces mini scénarios. « Ou alors, s'ils l'ont digéré, c'est encore pire, parce qu'ils n'ont plus la moindre culpabilité. Ils pensent que c'était le bon temps », analyse à son tour Jolente De Keersmaeker. Alors, dans un décor minimal, mais qui en dit long, consistant en une bâche en toile assez grossière jetée négligemment sur un tas d'objets, ce qui se joue à un rythme calme, sans la moindre frénésie, mais au contraire en étirant le temps pour bien appuyer là où ça fait mal, c'est une série de tartufferies où le masque tombe parfois dès les premiers mots. Entre chaque scène, les comédiens interviennent à leur façon cocasse et décalée. Ils changent aussi beaucoup de costumes, contrairement à leurs habitudes. « C'est la première fois que nous avons autant de costumes différents. Ils sont très design, très recherchés et on en change tout le temps. C'est une sorte de cirque, de ronde ou de danse », remarque Jolente De Keersmaeker.
Avec dans le texte un aspect musical très souligné comme l'observe Damiaan De Schrijver : « C'est une écriture répétitive, obsessionnelle, il y a un rythme très particulier. Donc on essaie de ralentir, de gagner du temps entre les scènes. On travaille beaucoup cette expérience du temps qui s'étire. Il y a une dimension importante dans ces textes qui est de l'ordre de la caricature. C'est quelque chose qui est très délicat à travailler car tout est très explicite dans ces petites scènes. » C'est un peu comme si Bernhard s'ingéniait à faire ressortir tout ce qui est le plus souvent caché, sous entendu, mais en vérité il suffit un peu de tendre l'oreille et d'observer les scores de l'extrême droite en Europe ou même le succès des thématiques xénophobes dans les campagnes politiques pour comprendre que tout cela correspond bien à une réalité. « L'intolérance, la xénophobie, les réactions viscérales vis-à-vis des immigrés, cela se passe chez nous aujourd'hui tout le temps, dit Damiaan De Schrijver. Au fond, Thomas Bernhard ne fait rien d'autre que nous tendre un miroir cruel et nous assener des vérités que nous refusons d'entendre. »

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