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Sarrazine

mise en scène Lucie Rébéré

: Note de l’écrivaine

par Julie Rossello Roche

Le balbutiement de Sarrazine vient de loin ; de notre volonté, la comédienne Nelly Pulicani et moi, de travailler ensemble.Nous cherchions depuis longtemps... Calamity Jane cavala sous nos yeux un moment puis, plus tard, Nelly évoqua Albertine et je commençai à la lire... et très vite je l’associais à Jean Genet, une Jean Genet femme morte beaucoup trop tôt pour accomplir ce qui aurait été, à mon sens, une immense œuvre.


Abertine me séduisit fort par son insoumission viscérale actée par son courage à fuir pour rester entière (avec ses pieds, sa tête et ses rêves), les titres de son œuvre (La Cavale, L’Astragale, La Traversière) évoquent cette force-là, celle de la fuite pour continuer à s’appartenir totalement.


Albertine, comme Calamity, cavale : Alger. Marseille (maison du Bon Pasteur). Prison de Fresnes. Créteil. Boulogne. Paris.Amiens. Soisson. Pontoise. Nîmes. Alès (où elle écritL’Astragale). Les Cévennes. Montpellier (clinique Saint-Roch) où elle meurt. Elle a parcouru la France le plus souvent en fuite ou en transfert d’une maison d’arrêt à une autre, souvent pour se rapprocher de Julien. Tour à tour en course ou en arrêt.


En parallèle, Nelly était dans une recherche sur la mémoire et sur les traces de sa famille pied noir. Elle a enregistré sagrand-mère Hélène Talaïa mariée Pulicani, d’origine sicilienne, née à Sfax en Tunisie, où elle a passé ensuite la majeur par-tie de sa vie et qui, passée l’indépendance de la Tunisie, à continuer à vivre dans sa tête là-bas, alors même qu’elle vivait à Alès, en France (à partir de 1957).


Nelly Pulicani est une comédienne terrienne, ancrée. Elle est danseuse de formation, (tout est toujours concret avec le corps). Nelly est née à Alès. Elle a fait ses études à Montpellier, elle est partie à Paris pour vivre sa vie de comédienne. Et puis en 2017, cinquante ans (pile poil) après la mort d’Albertine, sa mère lui a offert L’Astragale, un roman qu’elle avait lu cinq fois.


Albertine Sarrazin est née à Alger et morte 29 ans plus tard à Montpellier au cours d’une opération mal préparée. L’âge qu’aura Nelly en 2018. Les liens sont multiples entre ces deux petites femmes, ils forment des dentelles d’autres liens et bien entendu l’on voit toujours ce que l’on veut voir lorsque l’on est saisi. Pourtant la Sicile, pourtant la Tunisie, Alger,Marseille, Paris, pourtant la vie de prostituée, la vie de comédienne (quand on sait comment a longtemps été perçue la profession) ; certains liens sont évidents qui sont, en fait, plutôt des intérêts.


Écrire sur cette période en France, les années 60 mais parler aussi d’aujourd’hui. J’aimerais qu’il y ait dans ce texte de l’Histoire, des histoires qui s’entremêlent, des aventures, de l’intime. Jean Genet a écrit pour Maria Casarès et moi je voudrais écrire pour Nelly Pulicani. Comparaison immodeste et de taille ! J’ai été très marquée par les romans de Ramuz, sa langue charnue, son lyrisme et son concret et le travail très chorégraphique de Mathieu Bertholet sur ces deux romans s’est gravé en moi, j’étais alors sa dramaturge sur Berthollet et Derborance (Vidy-Lausanne 2014).


J’aimerais écrire un petit roman en feuilletons, en étapes, que Nelly puisse danser, crier, parler, conter. Qu’il y ait d’elle à l’intérieur, qu’il y ait Albertine, Hélène et moi sans doute car j’écris pour ceux qui ont le désir de l’aventure à venir. Outre la ressemblance troublante entre ces petites femmes de verve, impatientes à vivre, c’est un projet de retrouvaille sensible.


Julie Rossello-Rochet

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