theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « San Diego »

San Diego

+ d'infos sur le texte de David Greig traduit par Céline Schwaller
mise en scène Nathalie Veuillet

: Entretien avec Nathalie Veuillet

Cela fait un an que vous travaillez sur “San Diego” de David Greig, qu’en est-il après cette année laboratoire ?


Nathalie Veuillet : J’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir l’écriture de Greig il y a un an. Il est très peu connu en France et “San Diego” sera la deuxième mise en scène française d’un de ses textes. “San Diego” ne parle pas d’une ville ou d’une situation précise, ni même d’un endroit précis mais de directions à prendre pour sa vie. Ça correspond à une préoccupation personnelle assez importante pour moi en ce moment. C’est une pièce sur la quête… quête des repères. La pièce est peuplée de personnages totalement “jetlagués”, complètement perdus : dans leur référent affectif en particulier, largués sur leur rapport au père, à la mère, aux femmes. Et dans leur rapport à leur propre corps. Ce texte sur la perte est pourtant un texte drôle, mais… à l’écossaise : c’est fin et décalé.
Cela m’intéresse de travailler sur le comique, une première.


En quoi est-ce un texte comique ?


“San Diego” est un texte comique parce que la pièce et les personnages ont des côtés caricaturaux et absurdes. Il y a par exemple deux personnages à la Godot et entre eux, un personnage tragique, Oie Cendrée, qui vient d’atterrir à San Diego après avoir voyagé dans le train d’atterrissage d’un avion, le voyageur clandestin de la pièce. Ce que j’aime beaucoup, c’est le travail possible sur les différentes tessitures de jeu : pouvoir traiter une situation clownesque et en même temps avoir à faire entrer un personnage tragique. Cet écart provoque du comique. “San Diego” ce sont des situations de jeu, la pièce est écrite comme un scénario de cinéma, il y a des champs, contrechamps et des raccords. Cela crée des bizarreries sur un plateau. Nous travaillons beaucoup sur les étrangetés qui peuvent naître de cela. Le stratagème de plusieurs personnages interprétés par différents comédiens accentue cette structure folle.


Comment avez-vous travaillé ?


Lors de notre premier temps de travail, il y a un an, nous avions déjà essayé de mettre à plat toutes les contraintes techniques qu’impliquait cette multiplication, des personnages, des espaces temps. Nous avions fabriqué des films, des vidéos et fait les principaux choix scénographiques. Après il s’est agit de créer du rythme et de réfléchir comment introduire des comédiens virtuels. Ensuite nous avons introduit des accessoires de jeu et fait aussi un travail sur le masculin / féminin, car c’est l’un des enjeux de ce texte dans lequel j’ai choisi de ne faire figurer que les garçons. La répartition des rôles et les changements de personnages qui parfois virent à l’accumulation sont une manière de faire naître du comique. Je crois que je vais faire tout ce que je n’ai jamais fait dans ma vie : un spectacle drôle avec des accessoires et peut-être même un entracte ! Faux entracte…


Concrètement, à quoi ressemblera ce spectacle ?


Il y aura du théâtre : du texte, des situations, des personnages et il y aura beaucoup de films car les personnages sont parfois dans plusieurs espaces en même temps : là et ailleurs, ils ont le don d’ubiquité, sur un registre semitragique ou semi-comique ; on a donc une grosse série de tournages de films à réaliser. Il y a aussi un travail sur l’aspect poétique de l’image, car à côté des situations purement théâtrales nous voulons ajouter des décalages par l’image. Le film permet de donner d’autres dimensions, d’autres décors. Ça va être, c’est sûr, du spectacle très vivant.


Pourquoi n’avoir mis que des garçons sur le plateau?


C’est un choix car lorsqu’on lit entre les lignes, “San Diego” est aussi l’histoire de la fuite des mères et par extension, de la fuite des femmes. Le texte suggère un monde où les femmes veulent démissionner, rentrer dans les ordres religieux, abandonner leurs enfants. Les mères disparaissent, meurent, même la mère des oies s’est volatilisée. Donc, je les ai supprimées, parce que je me dis que dans un monde où les femmes ont de plus en plus de responsabilités, la fuite qui était un adage masculin peut aussi devenir un adage féminin. Elles peuvent aussi soudain fuir leurs responsabilités familiales, professionnelles, ou même politiques. La situation m’intéressait et elle était pour moi sous-jacente dans l’écriture de Greig. Si les femmes disparaissent, comment les hommes vont-ils reprendre leur place ? Comment vont-ils pouvoir se réapproprier la féminité ? Comment vont-ils se partager les fonctions ? Moi, en tant que metteur en scène femme, ça m’intéresse d’essayer d’esquisser une question à défaut d’une réponse.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.