: Intentions de mise en scène
Depuis le début, c’est un aller et retour permanent que nous avons entretenu avec Arezki, lors de ses séjours en France et de mes déplacements en Algérie. Ainsi, nous avons bâti un récit cadre qui me sert maintenant de matière pour les répétitions.
Samedi, la révolution, c’est une histoire d’amour qui en cimente le texte : une petite histoire dans la grande Histoire. C’est un trio : la présence de Kader, le vendeur de cigarette à la sauvette alias le bloggeur fou, est comme une ombre qui rode, tantôt réelle, le plus souvent simple voix s’échappant des postes de radios disposés sur le plateau. Les récits de Fatima, la journaliste rebelle et de Kamel, l’exilé, s’entrecroisent et se font écho ; le monde de Kader s’infiltre entre eux comme un manipulateur de destins. Le personnage de Fatima que je dessine est le réceptacle de la violence, aussi bien physique que verbale de cette société machiste. Kamel est plus en miroir-réflexion, tandis que Kader, l’ambivalent, est plus souterrain : une autre facette de la société algérienne.
Ce choix d’un texte politique était une évidence car
c'est le socle de mon engagement théâtral. C'est le
choix d'un théâtre ancré dans la réalité, mais cette
réalité ne m’intéresse que si elle est sublimée.
Cela veut dire que le propos ne doit pas prendre le
dessus sur la notion de spectacle : je ne veux pas
que nous jouions aux révolutionnaires.
Le propos demande aux comédiens de la distance
avec leur personnage. Leurs corps seront langue.
Dans certains passages, la parole sera délivrée
comme dans la tragédie, où le héros vient exposer
ses tourments. J’aime l’énergie et l’effort que cela
demande au comédien de « délivrer » la parole, car
les personnages ont enfin la liberté de parler, et ils
en usent, cela provoque une excitation, un plaisir
communicatif, un flux de parole libératoire.
D'autres passages seront silencieux, les corps
seront voix pour dire les sentiments, les hésitations,
le trouble, mais aussi la colère. Des corps
transcendés, comme drogués pour ne pas avoir
peur.
Avec un texte somme toute assez littéraire, il faut que le langage du corps permette d’ouvrir des espaces de jeu. J’ai déjà travaillé avec le chorégraphe Alfred Alerte sur Baba la France. J’avais envie de renouveler cette collaboration.
J’aimerais que le personnage de Kader soit comme une ombre qui se déplace en permanence, allume les postes de radio (éléments importants de la scénographie), comme on allume les feux de la révolte. Ce langage du corps sera commun aux trois personnages.
Les 3 récits s’entremêlent, ne se répondent pas, ils s’entrechoquent. Pour l’instant, je privilégie une adresse quasi frontale. Je retiens davantage le mot énergie que le mot frontal. L’énergie sera le carburant de l’urgence. Ce qu’il y a à mettre en jeu : le ressenti, les désirs et les peurs qui agitent les personnages. Soulever les contradictions qui se dessinent. S’attacher à leurs sentiments plus qu’à leurs idéaux. C’est une pièce politique qui parle de gens ordinaires. J’imagine une fin où ils deviennent les spectateurs de ce qui va se dérouler. Comme si ce qui est en marche ne dépendait plus d’eux.
Rachid Akbal
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