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Ruy Blas

+ d'infos sur le texte de Victor Hugo
mise en scène Christian Schiaretti

: Entretien avec Christian Schiaretti

Propos recueillis par Catherine Robert pour La Terrasse

Pourquoi choisir de mettre en scène Victor Hugo ?


Christian Schiaretti : D’abord, parce que Hugo, personne n’y va ! Dans cette imposture de la modernité qui se méfie de la poésie et des grands textes du répertoire, il y a une défiance vis-à-vis du théâtre hugolien, considéré comme un peu ridicule. Mais je demeure fidèle à mes engagements, quitte à assumer ce ridicule. Ensuite, parce que je dirige le TNP, et que ces trois mots, « théâtre », « national » et « populaire » ont été réunis et définis la première fois par Victor Hugo, en 1830, dans la préface de Marion de Lorme. Je revendique le grand vent hugolien, la grande utopie hugolienne et le manifeste théâtral que dessinent ces trois mots mis ensemble. Certes, c’est un vent qui a des limites en même temps que des enthousiasmes, mais j’ai envie de porter Hugo en bannière et de l’assumer, contre la dépression de notre époque et le risque d’un esprit de déploration perpétuelle qui, à terme, n’inquiète en rien le cynisme libéral ambiant.


Pourquoi choisir cette pièce avec laquelle vous ouvrez la première saison d’un TNP rénové ?


C. S. : J’ouvre la nouvelle saison du TNP avec Ruy Blas parce que c’est la plus belle pièce de Hugo ! Cette pièce se déploie entre deux tensions : une passion amoureuse qui n’échoue pas, même si elle conduit le héros au suicide, et l’inaccomplissement politique d’un Ruy Blas qui porte le peuple et échoue dans sa volonté politique. A terme, le meurtre de Salluste, c’est la terreur, celle qui naît de la colère d’un peuple qui n’est pas accomplie. A cet égard, le « Bon appétit Messieurs ! » a le pathétique d’une indignation sans engagement. Au fond, Ruy Blas est une oeuvre assez noire, nimbée d’une sorte d’onirisme étrange.


Comment, la considérant ainsi, choisissez-vous de la monter ?


C. S. : Je crois qu’il faut pousser les personnages jusqu’au paroxysme. Ainsi, il faut pousser Salluste au-delà de la seule et sordide anecdote qui l’a fait coucher avec une chambrière. C’est un personnage qui campe dans une frange luciférienne, à l’endroit de la légitimité du mal. En face, Don César de Bazan porte la rédemption angélique (d’ailleurs, il surgit de la cheminée, c’est donc qu’il vient du ciel !). Il y a, dans cette pièce, une opposition entre des forces surpuissantes, qui amène à dépasser la simple lecture historique ou politique. Il y a de l’onirique et de l’improbable dans Ruy Blas : à cet égard, le coup de théâtre final est improbable. Chez Hugo, tiennent ensemble la volonté romantique de faire éclater le corset classique et la revendication de la dimension du mélodrame. Pour porter cette sorte de paradoxe, il faut une grande sagesse intellectuelle ou l’innocence première du public. C’est-à-dire que pour comprendre Hugo, il y a soit un geste supérieur, soit un geste premier : soit on choisit la respiration généreuse de la connaissance qu’on peut avoir de notre patrimoine littéraire, soit on le prend au premier degré.


Avec quels comédiens allez-vous travailler ?


C. S. : Évidemment avec la troupe des comédiens du TNP, avec lesquels je continue le travail en solidarité organisé à Villeurbanne. Robin Renucci donnera à Salluste sa force tellurique, à laquelle répondra l’énergie de lutteur que Jérôme Kircher offrira à Don César. Roland Monod, acteur vilarien et une des consciences de notre métier, sera Guritan. Je choisis une sorte de vieillissement des personnages pour renforcer la dimension fantastique de la pièce. Ruy Blas et la reine seront eux, très jeunes, face à cette génération qui les observe.
Car si Ruy Blas marque l’échec du peuple, il marque aussi l’échec de la jeunesse…

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