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Roberto Zucco

mise en scène Compagnie Akté

: Présentation

Pourquoi Koltés ?


D'abord c'est l'envie d'aller voir comment on procède avec ce théâtre empreint de violence et de lyrisme, qui, dans le décalage opéré par une langue très écrite, dit mieux notre aujourd'hui que bien des écritures “réalistes”. Le “besoin” de Koltès correspond sans doute aussi à la nécessité et à l'urgence de créer en ce moment, dans un contexte en tous point hostile. Créer tout en sachant, comme Koltès, que “le théâtre n'est pas la vie ”. Faire du théâtre en essayant, comme Koltès, de faire que ça serve quand même un peu à quelquechose.




Qui est Roberto Zucco?


Au coeur de la pièce, il y a cette énigme.
Le seul personnage dont soit décliné l'état civil ne cesse en effet d'échapper à toute tentative de reconnaissance et concentre en lui tous les paradoxes : héros médiatique et sanglant aspirant à la transparence de l'anonyme innocent, force qui va sans raison identifiable, révélateur d'une violence généralisée qui lui fait peur mais qu'il incarne et propage en toute conscience de ses actes. On sait que l'écriture de la pièce fut déclenchée par l'histoire vraie de Roberto Succo, serial killer des années 80. A la distance que Koltès prit avec la réalité historique s'ajoute désormais la distance avec les faits eux-mêmes. Demeurent en revanche la thématique éternelle, primitive, tragique, de la violence des échanges humains et l'énigme absolue du passage à l'acte. Roberto Zucco est donc, aujourd'hui, encore moins Roberto Succo. Mais qui est-il et pourquoi nous semble- t-il si proche? Peut-être parce que cette figure mythique du tueur “sans raison” interroge le potentiel de violence de chacun d'entre nous. “Un tueur n'a jamais l'air d'un tueur. Un tueur part se promener tranquillement au milieu de tous les autres comme toi et moi”. Roberto Zucco: un frère de sang non reconnu?




Dandin/Zucco


Comme {George Dandin, Roberto Zucco est aussi une farce tragique sur la perte d'identité. Et d'avoir travaillé d'abord sur le personnage de Molière éclaire celui de Koltès de façon inattendue. Victime de son désir d'ascension sociale, Dandin a contracté une mésalliance avec une famille d'une classe supérieure à la sienne et se trouve, de fait, en marge, dans un no man's land fatal : plus maître chez lui, pas admis chez les autres. Devenu George de la Dandinière, il se perd et n'a plus comme issue que le meurtre et le suicide. Zucco commence par supprimer lui-même l'origine de son nom (ses parents), puis dévoile son identité à la Gamine alors qu'il sait que ce faisant “ il pourrait (lui) arriver un malheur ”. Double façon donc de se supprimer en tant que sujet, en jouant sur le don ou la reprise du nom. Tout le parcours du person- nage dans la pièce consiste en une identifica- tion progressive du héros non plus à son nom (c'est à dire ce qui l'inscrit dans la société humaine) mais à ses actes (qui le mettent au ban de cette même société). Ainsi décline-t-il son identité au moment de son arrestation finale:


[|« - Qui êtes-vous ?
- Je suis le meurtrier de mon père, de ma mère, d'un inspecteur de police et d'un enfant. Je suis un tueur.»|]


Chez Molière, la descente aux enfers de Dandin est racontée de façon comique. Le tragique du parcours circulaire de Zucco (de la prison à la prison, des morts à la mort) n'exclut pas, loin s'en faut, les moments de bouffonnerie. Tout comme dans Hamlet, auquel il est souvent fait allusion dans la pièce, le comique affleure régulièrement, y compris dans le traitement “infligé” par l'auteur à son person- nage principal. Encore une preuve,pour nous, du fait qu'il n'y a aucune glorification du meurtrier dans la pièce. Preuve aussi qu'il est possible d'aborder, comme ici, un sujet grave sans pour autant tomber dans le pathos ou la noirceur totale. Même si la pièce fut écrite par un mourant et raconte une agonie (au sens étymologique du terme: une lutte contre la mort), même s'il y est question du désespoir d'un monde sans amour, c'est quand même bien là et avec ça que nous vivons, créons et... cherchons à retarder la fin.


[|« Zucco est peut-être fichu, mais pour l'instant, il est en train de grimper sur le toit et de se foutre de votre gueule»|]


Nous tâcherons donc aussi de jouer avec l'écriture de Koltès et de ne pas aborder Roberto Zucco avec une déférence exagérée envers “ l'ultime oeuvre d'un grand auteur trop tôt disparu ”. Car il nous semble que Koltès, guetté il le savait par la “ monumentalisation ” après sa mort, s'est amusé, une dernière fois, à brouiller sa propre piste.




Dispositif scénique - traitement de l’espace


De la première étape du projet, George Dandin, nous garderons avant tout le principe scénographique: un espace circulaire entièrement autonome, espace circulaire fermé, entouré des spectateurs, type arène. Le principe préexistant des régies autonomes dans les tours échafaudages intégrées à l'espace des spectateurs sera également conservé. Ce dispositif resserre l'action et crée la sensation d'enfermement et d'isolement commune aux deux pièces. Donc, pas de traitement réaliste des multiples lieux traversés par Zucco, mais une “figuration” de ceux-ci, puisque les personnages disent la maison, le petit Chicago, le jardin public, le métro, ou la prison sans qu'il soit indispensable de les matérialiser.


Nous travaillons avec un support vidéo qui permet grâce au traitement de l'image de traiter une des thématiques qui nous importent dans la pièce: les différents univers dans lesquels évoluent les figures décrites par Koltès qui jamais ne s'interpénètrent. Pas de vraies rencontres, mais des mondes différents qui marchent en parallèle. Dans notre recherche, certaines figures sont donc enfermées dans leur monde virtuel, toutes interprétées par le même comédien qui peut revêtir plusieurs apparences : tous semblables mais en même temps différents, ces personnages numériques interrogent aussi sur les notions d'identité et d'isolement. Présences étranges mais aussi comiques, ces clowns vidéos commentent ou accompagnent l'action sans avoir de prise sur le réel. Comme une version contemporaine des comédiens d'Hamlet, ils apportent depuis leur castelet virtuel un autre point de vue sur la course folle de Zucco.

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