: Roberto Zucco et la gamine : l’essence du tragique
En même temps que le temps a disjoint Roberto Zucco du fait divers qui l’a
inspiré, il l’a libéré de la problématique morale, de l’oscillation forcément
problématique entre sacralisation du meurtrier et dénonciation de la
monstruosité. Le personnage éponyme est un rôle par essence énigmatique et
sans psychologie. Un intellectuel ? Une bête sanguinaire ? Un enfant en mal
d’amour ? Seul le plateau le dira à condition de ne pas faire de Roberto le centre
névralgique unique, face à de pâles figures qu’il instrumentalise, au gré des
scènes, au gré du vent. Roberto Zucco n’existe que dans sa rencontre avec les
autres. Sans eux, il est invisible.
La pièce est d’abord l’histoire d’un couple improbable, la Gamine et Zucco, un
couple formé par le hasard et aussitôt perdu. Au lieu du centre annoncé par le
titre, deux lignes donc. Deux rencontres, deux points de jonction, en forme de
début et de fin, et au milieu, deux trajectoires, deux courses folles, deux évasions,
deux fuites éperdues pour perdre l’autre et le retrouver, pour se perdre et se
trouver. Un road-movie dans un miroir de poche. Un labyrinthe sans issue.
Et autour, la famille, ancrage pathologique dont les deux héros tentent de se
libérer. En vain. Corps omniprésents. Corps suppliciés. Corps condamnés.
Et au-delà encore, le quartier, le monde. Bêtise, violence, incompréhension. Le
monde est une maison dont on ne peut s’enfuir.
Zucco retrouvera sur son chemin ses obsessions, les images parentales qu’il a cru
éliminer. La gamine sera vendue par son frère. Il n’y a pas d’issue pour le tragique
de l’existence hormis la mort.
Richard Brunel
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