Road Movie Alzheimer est une entreprise très personnelle, et l’enjeu pour moi est maintenant de le livrer aux actrices, qu’elles deviennent à leur tour « créatrices »

Pour cela, je voudrais commencer par un temps d’improvisation, un temps de recherche avec tous les membres du projet, afin que chacun puisse apporter son point de vue à la création.

Pour jouer ces personnages, elles pourront mener des enquêtes, aller à la rencontre de femmes ayant vécu cet exil, observer des cours qui préparent des jeunes filles à la Batmistvah...

Nous irons à la rencontre de femmes egyptiennes en exil, afin qu’elles nous racontent cette période, et nous écouterons et filmerons leur point de vue sur les évènements actuels.

On pourra également considérer son aspect universel : c’est une histoire de famille et de femmes. Ici, chaque génération veut couper avec la précédente, ne pas ressembler à celle d’avant, faire sa révolution. On lit leurs oppositions à travers le lien qu’elles entretiennent à la religion juive. La grand-mère pratique de façon traditionnelle, elle n’a pas une connaissance approfondie des textes, elle « s’arrange avec Dieu ». La mère, elle, déteste toute forme de religion. La petite-fille veut comprendre mot à mot la Bible, elle reflète un phénomène que l’on observe chez les jeunes, le besoin de revenir à la Foi. Ce rapport à la religion au début les sépare.
Bien qu’opposées dans leurs croyances, elles vont peu à peu découvrir ce qui les unit. Il faudra chercher cela avec les actrices, comment traduire le passage de la désunion à l’union, de l’incompréhension à la réconciliation.
Bien que j’aborde des sujets graves, comme l’exil, la perte de la mémoire, l’intégrisme religieux, je tiens à défendre l’humour. Ces trois femmes sont hautes en couleur, fantaisistes, rebelles, en colère – et cette énergie perdurera sur le plateau.

Basculer dans la temps

Avec Road-Movie Alzheimer, nous opérons un voyage dans le temps. En effet, c’est l’histoire d’un exode à l’envers. Suzanne perd la mémoire et voit les époques se confondre. Des Flash du passé ressurgissent, elle revit la terreur de son exil de 56. Aussi, il est possible que les signes extérieurs autour d’elle se modifient au gré de ses délires. Soudain, à la radio, on entendra des informations datant des années cinquante, ou la télévision diffusera les actualités de l’époque… Au temps historique, séculaire, vient aussi se greffer le temps biblique, atemporel. Les images de l’Exode des juifs se dessinent en filigrane. Les paysages de la fin (Nil, Désert… ) devront évoquer les temps bibliques.

Enfin, si Road Movie Alzheimer commence comme un récit réaliste quasi cinématographique, la pièce bascule peu à peu dans le fantastique. Un casino se transforme en scène de cabaret. Un tombeau disparaît pour laisser place au Nil. La quête de l’argent perdu se fait voyage vers la mort. Ainsi, nous partirons d’un espace quotidien pour aller vers les grands espaces, le Nil.

Jalie Barcilon

17 mars 2011