Quelqu’un de proche vous dit  : «   Tu me dois 100’000 francs  ». Il dit la vérité. Que faites-vous  ? Vous devez le rembourser.

Mais si Médée dit à Jason  : « Tu me dois un frère  ». Et que ce frère est mort. Que fait-il ?   Il  lui  dit :  « Je  t’ai  donné  deux  fils ».  Elle  lui  répond :  « Veux-tu  les  ravoir ?  Ils sont à toi. Tu me dois un frère, Jason. On ne peut pas rendre un cadavre. »

Ça  commence  mal.  La  fin  sera  pire.

Médée ?  Elle  vient  de  Colchide  (Genre  Arménie  il  y  a  longtemps).  Elle  est  fille  de  roi.

Jason  ? Il est Grec. Chef d’une expédition qui rassemble le nec plus ultra des Grecs. Ils vont conquérir la Toison d’or.

Médée et Jason  ? Ils se foudroient. Elle trace pour lui, par amour pour lui, le chemin impossible du rapt de la fameuse Toison. En tuant. Son frère, son père, son peuple. Il l’épouse, c’est pour du beurre. Elle est étrangère. Il la trahira en voulant épouser Creuse et devenir roi. On ramènera Médée à la frontière. La trahison de Jason ouvrira les yeux de Médée, celle qui a trahi son peuple. Jason ne remboursera pas les cadavres de la Colchide. Elle lui rendra la semence de ses entrailles  : deux enfants morts pour solde de tout compte.

Ceci se passe devant un mur de scène bleu avec au sol ce qui reste de l’humanité après la  troisième  guerre  mondiale.  Je  vous  l’avais  bien  dit  que  la  fin  était  pire !  

Le reste est poésie. Qui a de meilleures dents  ? Le sang ou la pierre  ? (Heiner Müller)

Médée, c’est le sang. Jason, c’est la pierre. C’est un mythe. C’est un triptyque. C’est une pièce d’Heiner Müller.

Dans les Temps modernes, il y a deux grands auteurs, l’autre c’est Shakespeare.

Marc Liebens