« Depuis longtemps déjà, j’étais secrètement fan de Vanessa en tant qu’interprète des drames populaires qu’elle écrivait et montait elle-même. En 1999, j’ai proposé à Arne Sierens de l’inviter à participer à Tous des Indiens. Sans oser l’avouer, j’espérais qu’elle allait bien vouloir nous « prêter » le récit de sa vie de « premier transsexuel de Gand » pour notre trilogie des Drames familiaux gantois au Théâtre.
Mais lorsque, après quelques répétitions, il est apparu qu’elle pouvait jouer – non, être ! – mieux que quiconque la mère de quatre enfants, tous de père différent, la question de son changement de sexe est passée à l’arrière-plan. Si quelqu’un arrive à l’égaler dans le rôle de Tosca dans Tous des Indiens, cette personne mérite un Oscar.
Pourtant, j’espérais que son histoire personnelle pourrait trouver une place ailleurs, quelque part. Et qui était mieux placée pour la raconter qu’elle-même ? En voyant en novembre 2005 un filage de Regarde maman, je danse dans une petite salle de répétition du Centre culturel de Berlare, j’ai eu l’impression de recevoir un cadeau personnel de sa part, de celle de son coach Griet de Backere, du metteur en scène de renommée internationale – et il le mérite – mais extrêmement modeste Frank Van Laecke, et des collaborateurs chaleureux du Centre culturel de Berlare.
Ceux qui croient connaître Vanessa, découvriront qu’ils ne la connaissent pas réellement. Ceux qui la rencontrent pour la première fois, verront une femme fragile – même si elle mesure facilement 1m90 – et possédée à la fois, qui fut jadis un petit garçon. Aujourd’hui, on peut aller au supermarché se faire coudre un pénis ou se tailler un vagin. Mais dans les années 1970, une telle entreprise exigeait encore plus de courage, de sang et de larmes.
Dans ce sens-là, entendre ce récit est une leçon d’humilité terriblement poignante. Que ceux qui osent se prétendre « normaux » jettent la première pierre. »

Alain Platel

01 décembre 2005