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Qui a tué Ibrahim Akef ?

+ d'infos sur le texte de Judith Depaule
mise en scène Judith Depaule

: Note d'intention

Les origines de la danse orientale (danse égyptienne) sont troubles. Certains la situent dans des temps très anciens, à l’époque des pharaons, comme l’expression d’un rituel rendant hommage à la maternité et favorisant la fertilité. Elle n’apparaît pour d’autres qu’au 18e siècle (ainsi en attestent les chroniques et la littérature), comme une danse de divertissement et de sensualité, exprimant des choses simples de la vie comme l’amour et la séparation. La danse orientale s’est, tout au long du siècle dernier, modernisée et complexifiée, devenant techniquement de plus en plus performante.


On sait peu de choses sur Ibrahim Akef, figure mythique de la danse orientale de ces cinquante dernières années au Caire. Né le 28 juin 1923, acrobate au cirque familial Akef dès son plus jeune âge, il débute la danse avec sa cousine, la célèbre danseuse et actrice Naïma Akef, et travaille comme chorégraphe aussi bien de cabaret que de cinéma. Maître dans le genre, il insuffle un renouveau à la danse orientale, en la faisant danse à part entière avec sa technique, son registre musical, son émotion et son interprétation ; qualité qu’il s’efforce de transmettre à plusieurs générations de danseuses, dont certaines sont devenues de grandes professionnelles : Naïma Akef, Fifi Abdou, Dina, Nabila Abet...


Juliette rencontre Ibrahim Akef en juillet 1999 au Caire. Il dispense des cours la journée dans un cabaret de seconde catégorie, le Palmira, sur la scène duquel, le soir, des danseuses se succèdent en solo. Ibrahim a alors plus de 70 ans. Des danseuses du monde entier font le voyage au Caire pour apprendre ses chorégraphies. Sous forme de leçons particulières, le vieil homme s’emploie à offrir à ses élèves des pièces d’un répertoire dont il est le seul détenteur, les adaptant selon le niveau et la sensibilité de chaque danseuse. La rencontre est primordiale pour Juliette, et, il se noue entre le maître et l’élève, une complicité immédiate. C’est à ses côtés qu’elle saisit vraiment le sens du mot “danser”. Entièrement voué à son art, l’homme ne cherche pas à cautionner l’orientalomanie. Juliette revient régulièrement travailler à ses côtés jusqu’en juillet 2004, où elle trouve Ibrahim Akef alité et très affaibli. Ils font ensemble le projet de recommencer leurs séances à son prochain voyage, mais l’histoire en décidera autrement...


Je suis metteure en scène et l’Egypte fait partie de mon histoire, j’y ai vécu enfant. Le personnage d’Ibrahim Akef me touche, l’histoire de Juliette aussi. J’interroge cette danse et ses codes de transmission à travers un spectacle hommage dont le sujet est la danse orientale elle-même et sa mémoire, notamment grâce à des documents vidéo inédits qui mettent en scène le chorégraphe et son art. Ibrahim Akef est mort le 9 mars 2006, jour où nous présentions pour la première fois le spectacle en public. Simple coïncidence ou communion à distance ? Sa disparition, la fin de son enseignement, posent les questions de sa transmission et de l’authenticité de sa pratique. Avec sa mort une page de l’histoire de la danse orientale se tourne, celle de son âge d’or et du grand cabaret égyptien. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? À une époque où la danse orientale est à la mode et où le nombre de cours ne cesse de s’accroître, il s’agit de rendre à cette danse son élégance et ses lettres de noblesse, de casser le stéréotype “couscous-paillettes” qui tend à la réduire à une simple danse du ventre où quelques rotations du bassin suffiraient pour celle qui les exécute à prétendre à un niveau professionnel.

Judith Depaule

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