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Qui a peur de Virginia Woolf ?

+ d'infos sur le texte de Edward Albee traduit par Pierre Laville
mise en scène Dominique Pitoiset

: Note d’intention

La guerre ? Oui, on dirait la guerre, celle qui n’en finit pas de revenir, sous toutes ses formes : guerre des sexes, des générations, des clans, des savoirs ; guerre aussi entre soi et soi-même. Une guerre aux mille facettes, où mille lignes de front qui s’enchevêtrent, mille stratégies mouvantes, mille et une ruses tactiques qui ne cessent de transformer l’aspect du terrain. Une question d’humanité. À chacun de s’y reconnaître comme il pourra, d’être sensible à tel ou tel enjeu. L’essentiel, c’est que cette guerre soit ressentie comme étant la nôtre, et donc comme actuelle, encore et toujours.


À sa création en 1962, Who’s Afraid of Virginia Woolf ? s’inscrivait dans l’époque, dans l’Amérique du début des sixties, sans distance aucune. Pour ne prendre qu’un exemple de ce qui est une évidence, c’est bien pendant la Seconde Guerre Mondiale que George avait occupé un poste de responsabilité à l’Université – et cette guerre se situait bien vingt ans plus tôt, pendant la jeunesse du personnage. Depuis, un demi-siècle ou presque s’est écoulé : les sixties se sont éloignés, Qui a peur de Virginia Woolf ? est toujours là avec nous, toujours présent, et même plus que jamais. Comment faire pour que la pièce n’apparaisse pas comme une pièce historique, sans plus ? Edward Albee lui-même semble s’être posé la question. En 2005, à l’occasion d’une reprise à Broadway, il a en effet retouché en ce sens son texte sur certains points (les allusions à un avortement de Honey ont été fortement atténuées : de fait, depuis la décision de la Cour Suprême américaine qui a décriminalisé l’interruption de grossesse, le choix de Honey ne porte plus la même charge de scandale).


Comment faire, donc, pour que le public d’aujourd’hui accède à la profonde actualité de l’oeuvre ? En jouant le texte dans un décor qui se fasse oublier – lumière nocturne, grand canapé, bouteilles – et en le jouant dans tout son tranchant, dans une traduction nouvelle, scrupuleusement fidèle, de sa version la plus récente. À titre personnel, et peut-être parce que je vais me charger de ce rôle-là, je suis particulièrement sensible à la lutte qui oppose George, l’homme des lettres et du « passé » (qui se rêve plus ou moins consciemment en père de son jeune hôte), à Nick, l’homme des sciences et de l’« avenir » (qui tient fugacement lieu de fils imaginaire de son aîné). C’est-à-dire au conflit entre ceux qui n’ont pas su ou voulu se mesurer au pouvoir et ceux qui trouvent tout naturel d’être ambitieux et de réussir à tout prix. Car il me semble que cette bataillelà fait rage aujourd’hui. Mais les autres ne sont pas moins importantes. Et si je parvenais à faire éprouver, l’espèce de paix désespérée qui demeure, par-delà le fracas de toutes les armes, comme l’ultime secret unissant George et Martha – si je parvenais à faire entendre comment ils parviennent à se tendre la main et à se toucher à travers toutes les ruines, j’aurais vraiment atteint mon but.

Dominique Pitoiset

28 décembre 2008

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