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Quelqu’un pour veiller sur moi

+ d'infos sur le texte de Frank McGuinness traduit par Isabelle Famchon
mise en scène Étienne Pommeret

: Notes dramaturgiques

Extraits d'entretiens entre Chantal Regairaz et Etienne Pommeret

Le Conflit fratricide


Chantal Regairaz : L'évocation du conflit fratricide entraîne inévitablement dans mon esprit le sentiment de contradiction intérieure, de contradiction intime. Étienne Pommeret : Fratrie / Fraternité / Fratricide. Mc Guinness est complètement dans ces liens. Son écriture parle vraiment de la frontière entre le fratricide et la fraternité, entre la fraternité et la fratrie, etc.


C. R. : La fraternité n'est pas dans la solidarité.


É. P. : Non, dans la solidarité il y a l'idée que l'un est au-dessus de l'autre, que l'un a quelque chose qui manque à l'autre ; alors que là ils sont tous dans la même merde. La pièce raconte fondamentalement les nœuds qui unissent ces trois " F ".



Le temps


C. R. : Il y a 2 temporalités à représenter dans cette scène. Comment faire sentir au spectateur que le choc ressenti par les 2 otages à l'énoncé de l'indifférence du monde extérieur pour leur situation n'est pas un simple problème de non-liberté, d'ego ou d'orgueil (du fait que les gens ne parlent pas d'eux), mais véritablement un principe insupportable, invivable car leur non existence dans l'autre temps, l'autre monde, les sépare encore un peu plus de la vie. Ils voient, ils réalisent encore un peu plus que la vie est ailleurs, qu'elle continue ailleurs. Comment rendre compte de cette distinction temporelle ? cette distinction des mondes ? Par quels moyens exposer cela dès la première scène ? Faut-il accentuer la connivence entre Adam et Edward, fruit de ce long temps passé ensemble ?


É. P. : On peut quand même émettre plusieurs hypothèses ou bases. Je verrais 4 points. Mais avant cela, notons qu'il ne s'est jusque-là passé qu'une seule scène. La scène 1 dure environ 7 minutes et se termine sur un coup d'éclat, un point paroxystique, l'acmé si on reprend le vocabulaire du tragique, le point optimum de la montée tragique et sa résolution. Donc, il y a déjà dans l'écriture de la première scène une montée, un point paroxystique et une descente. Cela crée déjà la tension, l'accélération et le ralentissement final. Dans le rythme même de la scène, il y a une action sur des temps différents.


Revenons aux 4 points et commençons par les points matériels : premièrement, qu'est-ce qu'on va donner à voir, à entendre de ce décor, de ce lieu d'enfermement, de ces temps ? On cherche avec Chantal Thomas comment montrer le temps et l'espace en essayant de dénaturaliser l'espace et le temps. Au lieu de prendre le parti pris du début, c'est-à-dire un décor réaliste voire naturaliste, on essaie de déstructurer ce rapport au réel. Lorsque la lumière s'allumera, le spectateur verra qu'il n'est pas dans un lieu qu'il connaît, ou qu'il reconnaît. C'est un lieu avec lequel il pourra jouer, mais ce n'est pas un lieu stéréotypé (quelle que soit la qualité du stéréotype). Sur le plan visuel, il aura donc un premier autre espace.


Deuxièmement, la façon dont on va éclairer cet espace abstrait créera également du mouvement, afin, là aussi, de dénaturaliser l'idée de la lumière. Bien sûr le standard serait le néon, l'ampoule électrique. Comment faire évoluer, bouger ce stéréotype-là ? Soit à la base, c'est-à-dire dès le départ, dès la première image, soit au cours de la scène. La vision naturaliste est une façon d'éclairer la vision non réaliste, plus abstraite, qui indiquera une autre valeur sur le temps.


Dernier point (qui rejoint les précédents) : nous allons travailler davantage sur un univers mental que sur un univers réel. Il est question d'imaginer comment on peut représenter ce sentiment banal d'infini, de vide. Par quelles visions peut-on le voir ? Comment le spectateur va pouvoir jouer, appréhender cette vision de l'espace qui montre un autre temps mental, un autre espace mental ? Ce sont les 3 points importants travaillés jusqu'à maintenant. Ensuite s'ajoutera le travail du son, mais, pour l'instant, il n'est pas assez avancé pour pouvoir en parler.


Le quatrième point est également très important. Je ne voulais pas commencer par celui-là car c'était le plus évident : c'est le travail du rythme, le travail sur la part musicale du texte. Il y a des choses qui peuvent se passer très vite puis soudainement le temps nous paraît de nouveau très lent.


C. R. : Ce jeu musical devrait rendre compte de cette autonomie temporelle.


É. P. : De ce temps propre, indépendant du temps normal, oui.



Entretien n°8


C. R. : La pièce démarre sur les difficultés d'être clément pour autrui, et elle se termine sur les difficultés d'être clément pour soi.


É. P. : Exactement. Cette clémence pour soi est justement palpable par le jeu. C'est parce qu'ils jouent à la voiture, à la reine, aux joueuses de tennis ou au lapin, parce qu'ils provoquent ces pertes d'identité, qu'ils ont une chance de retrouver leur identité et de s'accepter comme ils sont. Comment être riche de soi-même sans se mentir ? Comment être juste avec toute sa multiplicité sans s'illusionner ?

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