: Un couple tragique
Il y a cinq ans, à la Cité de l’espace de Toulouse, j’écoutais Axel Kahn, qui parlait des avancées scientifiques
et des bienfaits de la science. Il terminait son exposé par une exhortation : « N’oublions pas, Fritz
Haber ! » J’avoue que j’entendais alors ce nom pour la première fois. Axel Kahn, en quelques minutes,
faisait un résumé de l’histoire vraie et tragique de ce couple de scientifiques, Fritz et Clara Haber, qui, un
soir de 1915, allaient s’opposer violemment l’un à l’autre sur ce que doit être la science et les buts qu’elle
doit atteindre.
Lui, Fritz Haber, hautain, sûr de lui, sûr de sa science, sûr que grâce à lui, à cette arme nouvelle, le gaz de
combat qu’il vient de concevoir, l’Allemagne, son pays, sa patrie, va enfin le reconnaître comme un de
ses fils les plus valeureux. Il a changé son prénom de Jacob en Fritz, s’est fait baptiser dans le culte
protestant, pour échapper à une judaïté, qui l’entrave dans sa carrière universitaire, dans un pays, dans
une Europe, où l’antisémitisme règne.
Elle, Clara Haber, Clara Immerwahr, chimiste brillante, est plus fragile, plus prudente, elle s’interroge. Elle
est convaincue qu’un scientifique ne peut pas ignorer les conséquences de ses recherches, et se doit de
toujours les orienter au bénéfice exclusif de l’humanité.
Je tenais là la dramaturgie d’une pièce de théâtre. Celle d’un couple que tout oppose, leur vision de la
science, celle de leur vie, celle de leur couple qui ne peut résister à autant de différences affichées. Je me
suis mis rapidement à la recherche de documents et de lectures. Tous les faits relatés dans la pièce sont
exacts. En tout, cela m’a pris trois ans de recherche et d’écriture. J’ai eu l’honneur au final, de voir mon
texte préfacé par Axel Kahn.
Mon écriture a été dirigée par deux souhaits : que le spectateur qui entre dans l’intimité de ce couple
s’interroge sur les idées échangées, mais se sente aussi pris d’émotion par le drame humain qui se joue
devant lui. Ce débat met aussi en lumière la condition de la femme au début du siècle dernier. Bien que
Clara soit une brillante chimiste, première femme juive diplômée d’une université allemande – fait unique
à l’époque – elle ne sera admise à vivre que dans l’ombre de son mari qui la relèguera bien vite à
l’éducation de leur fils Hermann, et aux tâches domestiques. Admirable de courage, elle défendra ses
convictions jusqu’au bout d’elle-même…
Claude Cohen
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