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Push up

mise en scène Marcial Di Fonzo Bo

: Entretien avec Marcial Di Fonzo Bo

Le programme Paroles d'acteurs met au centre de son propos la question de la transmission, venant d'acteurs / metteurs en scène. Quel les expériences de votre parcours , quel rapport au jeu, au théâtre avez-vous envie de transmettre ?


Marcial Di Fonzo Bo : Je me définirais d'abord en tant qu'acteur. Chaque fois que j'aborde une mise en scène – au théâtre ou à l'opéra – c'est ma curiosité d'acteur qui guide la démarche. Pour Paroles d'acteurs , je vais travailler avec un groupe de jeunes gens – des acteurs quasi professionnels, qui arrivent dans la profession ; du coup, j'avais envie de partager avec eux la découverte d'un auteur. Il me semble important de proposer cet atelier à partir d'un matériau qui soit également une découverte pour moi ; le cadre s'y prête. C'est cette démarche d'acteur en face d'un texte à explorer que j'ai envie de mettre en avant.
Les acteurs choisis par l'Adami sont issus des Talents Cannes – ils côtoient beaucoup le cinéma, la télévision ; un peu moins le théâtre. Souvent, même pour les jeunes gens, la « fonction » de l’acteur se réduit au travail de création, au rôle d’interprète. J'espère pouvoir partager avec eux la curiosité qui m’anime, en tant qu’acteur, envers toutes les autres disciplines du théâtre, tous les arts qui convergent vers la scène – et même prôner un certain esprit de travail de troupe.


En tant qu'acteur , vous avez joué pour de nombreux metteurs en scène – Matthias Langhoff, Claude Regy, Rodrigo Garcia, Luc Bondy. Comment s'est produit le passage du jeu à la mise en scène ?


Marcial Di Fonzo Bo : En fait, c'est lié à un désir commun, dans le cadre de la compagnie des lucioles. La compagnie est composée exclusivement d'acteurs – c'est là tout son enjeu. C'est à partir de ce noyau que j'ai commencé à faire de la mise en scène. Cela fait maintenant plus de 10 ans que nous travaillons ensemble – que nous pratiquons notre métier avec une certaine idée du théâtre comme une forme d'artisanat. Nous essayons de faire du collectif une force et non un enfermement : un laboratoire d'expériences humaines et artistiques. La mise en scène pour moi a ces couleurs là.
Par la suite, j'ai commencé à faire des mises en scène avec d'autres acteurs que ceux de la compagnie – mais toujours avec la volonté d'explorer, et de transformer le rôle de metteur en scène, de le concevoir autrement. J'ai également travaillé pour l'opéra ; actuellement je fais un spectacle avec Claire Diterzi, qui vient du rock. J’aime, dans mes projets, partager avec d’autres artistes leurs conceptions, aborder différentes manières de travailler. J’aime également la confrontation de différentes disciplines – que ce soit la musique, les images, la danse et l’écriture. Il s'agit pour moi de changer le regard porté sur le partage du projet artistique.


Vous travaillez en espagnol et en français. Avec Guillermo Pisani , vous avez également traduit Rafael Spregelburd, un auteur argentin. Metteur en scène, acteur, traducteur : il s'agit toujours de « faire passer ». Est -ce que cette dimension de passeur est importante pour vous ?


Marcial Di Fonzo Bo : Oui, il se trouve que je suis bilingue. Ma langue maternelle est l'espagnol, et je vis en France depuis plus de 20 ans. Pour autant, je ne me considère pas vraiment comme un « traducteur » au sens académique du terme. L’écriture de Rafael Spregelburd m'a intéressé, parce qu'elle permet d'explorer d'autres manières de faire du théâtre. Rafael est acteur, et il est à la fois auteur et metteur en scène de ses pièces – un peu comme Fassbinder à son époque. Afin de penser le théâtre autrement aujourd'hui, je préfère m'associer à des auteurs qui abordent l'écriture et la scène comme des faits indissociables... Il y a une grande force dans cette manière de travailler – lorsque les frontières entre texte, jeu, mise en scène sont abolies. Le mot de passeur relie très bien ces pratiques – le brouillage des fonctions à l'intérieur d'une machinerie théâtrale. Cela m'intéresse de pouvoir abolir, ou tout au moins questionner ces frontières.


Qu'est-ce qui vous a intéressé dans l 'écriture de Roland Schimmelpfennig ? Pourquoi l 'avoir choisi pour cet atelier ?


Marcial Di Fonzo Bo : C'est d'abord l'idée de découvrir une écriture que je ne connais pas. J'ai lu certaines des pièces de Schimmelpfennig traduites en français, d'autres en espagnol. Et il y a des correspondances formelles très fortes avec Spregelburd – qui est argentin, mais qui est beaucoup monté en Allemagne. En fait je suis arrivé à l'un par l'autre, par l'entremise de Guillermo Pisani – dramaturge qui sera avec nous sur ce projet, et qui est avec moi coauteur des traductions de Spregelburd. Un des aspects qui m'a énormément intéressé chez Schimmelpfennig, c'est sa manière de déborder le théâtre en employant d'autres formes de narration : des gros plans comme au cinéma, de travellings, des ellipses...


En un sens , on pour rait dire que ses textes sont pensés directement par rapport aux difficultés, aux questions qu'ils peuvent poser à la mise en scène ?


Marcial Di Fonzo Bo : Exactement. L'écriture de Schimmelpfennig – tout comme celle de Rafael Spregelburd – est faite en articulation avec le travail de plateau : l’intervention des acteurs, l’actualité de répétitions. Le texte intervient comme un partenaire dans le processus de création, et l’accompagne. Il questionne la représentation et porte une réflexion sur la manière dont il sera mis en scène. Pour moi cela correspond à la dramaturgie d'aujourd'hui. Je trouve un peu aboli le temps des poètes enfermés dans leur tour d’ivoire en attendant l’inspiration.


La pièce de Roland Schimmelpfennig que vous avez choisie, Push Up se déroule dans le cadre d'une entreprise. Est-ce que le drame, aujourd'hui , n'aurait pas pour cadre l'entreprise – comme personnages ses cadres , ses DRH, comme langue celle du marketing et des parts de marché ? Comme si les guerres, les luttes de pouvoir du théâtre antique avaient été remplacées par celles de la bourse...


Marcial Di Fonzo Bo : Déjà, il faut rappeler que cette pièce a été écrite il y a une dizaine d'années – elle n'est donc pas si récente que ça... Schimmelpfenning a beaucoup plus écrit sur la guerre, la question de la survie que sur le milieu de l'entreprise – en tous cas d'après ce que j'ai pu lire – c'est un auteur très prolifique, et tout n'a pas été traduit. Au coeur de « Push up », il y a une histoire d'amour. Je crois que c'est là le point central. Effectivement, les personnages sont les employés d'une entreprise multinationale – mais je crois que le cadre en tant que tel, ou le langage du marketing ne sont pas le sujet central. La lutte des pouvoirs, oui. Après, le cadre de l'entreprise fait partie de « l'enrobage » du thème. C'est un peu la carte postale. Là réside le piège de la représentation en quelque sorte...


La pièce se présente comme une série de duos. Allez-vous conserver le dispositif de la pièce, ou avez-vous d'autres idées pour sa mise en scène ?


Marcial Di Fonzo Bo : C'est encore un peu tôt pour le dire. Mais j'ai demandé à une chorégraphe, Catherine Reynold de nous accompagner sur ce projet. L'idée serait justement de travailler sur la notion d'ensemble. La pièce est conçue comme une série de duos qui se succèdent – un peu comme « La ronde » de Schnitzler. Mais j'aimerais travailler sur le collectif, sur l'unité de ce groupe de 10 acteurs. Il y a là quelque chose d'intéressant à creuser, à développer : aborder le rapport de « soi » au groupe ; quelle confrontation entre soi et l'ensemble, ou un ensemble en face d'un autre ? J'aimerais aborder la pièce comme un « ensemble » assez mathématique – parce que l'écriture de Roland Schimmelpfennig est assez mathématique. Il y a une force inouïe dans cette écriture. Et sa concision sert sa force.


Propos recueillis par Gilles Amalvi

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