: La mise en scène
Travail sur l'in-corporation
Pour moi, le théâtre est avant tout un acteur «in-corporé», où le corps se fait
véhicule de l’imaginaire et du vécu. Le travail de l’acteur doit donc se concentrer
sur le corps, de manière précise, rigoureuse et construite, afin de permettre
une expressivité physique à la fois maîtrisée par l’acteur et délivrée par son
inconscient. Dans un tel processus, le texte vient se greffer sur cette matière
vivante et s’enrichit d’un vocabulaire construit au-delà des aspects strictement
psychologiques qu’il sous-tend.
Un travail physique quotidien prend dès lors une place importante lors des
répétitions. Outre les échauffements et autres mises en éveil corporel, le «training
» de l’acteur est primordial et se développe notamment par la mise en pratique
de la méthode Michael Chekhov (1891-1955), acteur au Théâtre d’Art de Moscou dont le directeur était le célèbre Constantin Stanislavski.
Si l’on connaît directement l’apport et la méthode de Stanislavski, celle de
Michael Chekhov est, par contre, malheureusement trop méconnue. Cette dernière
est avant tout centrée sur le corps de l’acteur et son imaginaire. Chekhov
les place comme matière de jeux inépuisables et indispensables. Par le biais
d’un «training physique» (série d’exercices touchant à la conscience corporelle,
à l’espace et aux partenaires), l’acteur acquiert un vocabulaire le menant vers
un processus créatif que Michael Chekhov nomme le jeu inspiré.
Cette technique permet également de «physicaliser» les intentions de jeu, de
trouver les gestes psychologiques et archétypaux du «personnage» et d’accéder
ainsi à une corporalité créative. Le rapport entre l’imaginaire et le jeu est l’une
des clefs dans le travail de l’acteur pour Michael Chekhov qui jugeait l’identification
réductrice et dangereuse.
Ce vocabulaire physique est le support de travail de la mise en scène. Avec
comme axe, l’envie de travailler, entre autres, sur les trahisons du corps, dans
le sens où ce dernier viendrait traduire l’espèce de schizophrénie qui existe en
chacun des personnages de la pièce, entre ce qu’ils disent/paraissent et ce qu’ils
pensent/sont. Ou quand le corps donne à lire les failles, les faiblesses de l’être
qui l’habite.
Jean-Michel Van den Eeyden
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