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Providence

mise en scène Ludovic Lagarde

: Note de l'auteur

par Olivier cadiot

Après Le Colonel des Zouaves en 1999, Un mage en été en 2010, Providence sera le troisième monologue mis en scène par Ludovic Lagarde avec Laurent Poitrenaux, cela commence à faire une histoire. On verra à cette étape un autre état de l’acteur, du personnage qu’il incarne, des moyens de théâtre mis en œuvre et de l’écriture qui lui donne son langage.


Ces trois pièces sont en quelque sorte des projections des livres, comme si, en tirant des lignes à partir des pages on obtenait un dessin, un plan, un parcours, un personnage, sorte d’hologramme. C’est précieux pour un auteur de voir un livre à l’envers, hors de lui, presque en colère, avec cette volonté de se faire comprendre et de partager des expériences.


L’acteur est comme une sorte de livre parlant, un livre ouvert, tourné vers les spectateurs, ce n’est plus un narrateur caché au fond d’un roman qui manipule de loin nos sensations de lecteurs. Mais il n’est pas la voix du texte, il n’est pas respectueux, il ne le psalmodie pas comme un poème, il ne le récite pas comme un texte sacré, il prend dedans ce qui lui est nécessaire pour parler et agir... et pour revenir vers nous une troisième fois, changé, avec quelques années de plus, une voix différente et un corps autre. Même si on retrouve chez Laurent Poitrenaux son phrasé si particulier, sa manière de représenter en même temps ce qu’il est et celui qu’il interprète, d’être littéralement à la fois une phrase, un récit, une musique et une action.


Sans doute Providence ne sera pas sur le même ton que les deux précédents monologues, et ce «personnage», cette fois-ci aura le droit de s’échapper de la minuscule aire de jeu qui lui était réservée, il pourra sortir de ce soliloque épique, interrompre le flot de paroles, changer de corps, régler lui-même sous nos yeux les voix qui l’assaillent, changer la sienne. Un auteur sur scène ?


Ce trio au travail — entouré par une grande équipe — fonctionne de manière assez paradoxale. Voilà un metteur en scène qui rêve longuement sur un livre et qui organise une sorte d’habitat inédit pour donner corps et espace à cette rêverie. Sa lecture intense cherche à mettre à jour des structures invisibles dans le texte ; elles n’ont pas la même manière d’apparaître dans les livres. Il s’associe à l’acteur pour prendre la place de l’écrivain ; à deux, ils remettent le livre fini à l’état de manuscrit, comme en pièces détachées, pour refaire un parcours vivable sur scène. Ils se lancent dans un incessant aller-retour entre le livre et son adaptation. À chaque fois ils repoussent les limites de ce qui est audible. Comme si on avançait à chaque fois une nouvelle manière de dire la poésie.


Ce travail de troupe produit des objets assez réconciliant ; sur le plateau s’associent exigences musicales, volonté littéraire, engagement corporel ; des méthodes issues de genres artistiques différents collaborent pour préparer la course d’un seul.


De mon côté, je ne suis pas là avec eux pour défendre ou expliquer un texte, j’assiste en répétitions, pas à pas, avec angoisse et excitation, à la naissance d’un geste... naturel : on voit sous nos yeux quelqu’un apprendre à parler et à bouger à nouveau. Je croyais avoir perdu mon héros, le Robinson qui court dans cette série de romans, le théâtre me le redonne. Il va falloir que je réponde par un nouveau livre. Olivier Cadiot


PROVIDENCE, Olivier Cadiot / Ludovic Lagarde

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