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Providence Café

+ d'infos sur le texte de Mohamed Rouabhi
mise en scène Mohamed Rouabhi

: Tronches de vie

Dans l’Amérique profonde, celle de l’ancien sénateur Bush devenu président, puis gendarme du monde, il y a un bar perdu près de la frontière mexicaine, le Providence Café.
Ceux qui le fréquentent refont l’histoire tous les jours, accablés de chaleur, d’ennui et de délires xénophobes. Leur univers, c’est celui de la télévision et de l’alcool.
Prisonniers de leur vie dérisoire, de souvenirs qu’ils n’arrivent pas à identifier, d’une mémoire qui fuit doucement, ils passent leur journée à boire et à raconter la désolation et la misère de leur existence. Ils entretiennent les mythes racistes sur les Indiens, les Chinois, la nature et le monde, relayés par une télévision qui distille une réalité faussée entre les publicités et le grand show du soir, animé par le célèbre Larry Stocker, le gagman le plus mauvais du monde.
Car la médiocrité est un autre visage de Providence Café.
La médiocrité de la télévision tout d’abord. Larry Stocker tétanise son public avec ses blagues d’une rare nullité. Le personnage qu’il s’est fabriqué oscille entre la naïveté, la trivialité, la ringardise et la méchanceté. Il rassemble l’Amérique toute entière chaque soir pour leur débiter les histoires drôles les plus bêtes qui soient, goûtant avec délectation les huées de la salle. Et son slogan- je m’appelle Larry Stocker, mes amis m’appellent Larry, mais j’ai pas d’amis !-résume à lui seul l’isolement dans lequel notre société occidentale a condamné l’intelligence et la réflexion pour lui préférer le divertissement et le loisir.
La télévision n’est plus vecteur de culture ou de connaissance, d’informations ou de débats, elle est devenue au fil du temps l’arme fatale du pouvoir économique et politique qui pratiquent la colonisation massive des esprits.
Devant le poste de télévision imaginaire, il y a un jeune homme, Bonzo, handicapé physique et mental, qui ne fait plus différence entre ce qu’il voit sur l’écran et ce qui se passe dans la réalité. Son histoire est d’une cruauté sans nom. Il est victime d’une autre déclinaison de la médiocrité, celle des sentiments.
Dans Providence Café, les personnages sont trop humains. Leur manière de parler, leur commentaire, leur histoire personnelle est à dix mille lieues de la nôtre, car parfois, ils semblent euxmêmes sortie d’un film bas de gamme. Mais l’acharnement avec lequel ils témoignent de leur existence, nous les rend encore plus proches de nous.


Patty, la serveuse du Providence, est un joli bout de femme, même si son visage est déformé par une maladie étrange. C’est sans doute ce qui lui permet de vivre dans cet univers exclusivement masculin et brutal, car personne n’essaye de lui mettre la main dessus. Elle voudrait aimer, aimer par-dessus tout et tout son être tend à l’amour. Elle est généreuse et simple, trop simple. Les autres personnages manquent d’amour, sont incapables d’en donner, ou ne savent plus comment il faut faire.
Rosco, lui, a fait la guerre. On suppose que c’est la guerre du Golfe. Il en est revenu traumatisé. Puis il a perdu sa femme. Alors depuis, il vit seul avec des souvenirs et une mémoire qui fout le camp à chaque seconde, un trou noir qui le rend fou petit à petit et qui va le conduire jusqu’à l’hallucination éthylique.


Rosco est un personnage trouble. Il est bourru, il fait peur, il est mystérieux car il cache lui-même des choses sur sa vie, son passé. Il est violent. Mais jamais il ne va faire de mal à personne même si le contact avec une arme déclenche chez lui un certain sadisme.


Et puis il y a encore Terry, Ned le Poissard, Ol’Curtis le rescapé de la haine des blancs et la mémoire du Sud, et enfin Chester Cox, le vendeur de poulet frit qui stigmatise chez les autres la vie dans tout ce qu’elle a de plus pathétique et vaine.

Mohamed Rouabhi

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