Le boxeur, dans son ring, est le Prométhée des temps modernes. Celui qui expose son corps à la vue de tous, et qui, pour le plaisir de chacun, accepte que ce corps soit mis K.O. Tel est le postulat de Rodrigo García, auteur argentin vivant en Espagne, qui rêve autour du mythe grec, sans adapter Eschyle. Prométhée, sacrifié par les dieux qu'il avait défiés, fut rivé, pour l'éternité, à un rocher. Chaque jour, un aigle lui dévorait le foie. Et chaque jour, ce foie repoussait. Comme le boxeur, qui, inlassablement, se relève et retourne au combat. Comme l'acteur, qui chaque soir, remonte sur les planches. Rodrigo García, à la manière d'un peintre, expose les figures du martyr, il parle de sacrifice, de don de soi, de passion, dans un texte qui entrelace tendresse et brutalité, qui entremêle violence et poésie. Reviennent ainsi, en flashs récurrents, les représentations depuis deux millénaires, d'un saint transpercé de flèches, Sébastien. Et puis, sans prévenir, moment de douceur troublant les évocations des supplices, la musique se fait entendre. La voix sublime d'une cantatrice, le talent de Mozart. François Berreur, le metteur en scène, tourne autour de l'univers de Rodrigo García, loupe en main. Il devient, à son tour, le coach de corps surexposés. Ceux des acteurs, prêts à la bataille et propulsés dans l'arène du théâtre.

Joëlle Gayot