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Planète


: Note d’intention

« Voilà vous voyez ici une fenêtre, derrière la fenêtre il y a une pièce, dans la pièce il y a une femme. Et si cette femme s’approche de la fenêtre, elle verra un peu plus de deux cents personnes qui la regardent par la fenêtre…
Vous êtes d’accord avec moi, c’est assez étrange et équivoque…
Qu’est-ce qu’elle pourra faire à ce moment-là ? Elle pourra s’en aller, ou éteindre la lumière, ou tirer les rideaux, et ensuite essayer de changer d’appartement…
C’est pourquoi, quand elle s’approchera de la fenêtre, j’agiterai des branches, ou… je ferai ce qu’il faut pour qu’elle voie… enfin, ce que voit d’habitude quelqu’un qui regarde par la fenêtre de chez lui.
Mais moi, elle ne peut ni me voir ni m’entendre parce que je ne suis pas dans la vie de cette femme. Elle non plus d’ailleurs, elle n’est pas dans ma vie. »


C’est ainsi que commence Planète d’Evgueni Grichkovets ; un homme seul au théâtre et cette femme inventée qui existe peut-être. La femme de ses rêves ? Ils sont là, chacun son espace, chacun sa solitude. Elle est le personnage rêvé et pourtant elle est « concrète », dans la vie : elle bouge, sort, parle au téléphone, a une histoire d’amour et une vie sociale. Lui, il est au théâtre figé dans sa solitude avec l’imagination et la parole comme seul lien au monde. Il tente de saisir la moindre étincelle de vie autour de lui, il cherche aux fenêtres, dans la ville, dans ses songes, dans un voyage rapide autour de la planète quelque chose auquel participer. Et voilà cet homme volubile, disert, drôle au regard aiguisé sur le monde qui laisse, petit à petit, devant les spectateurs apparaître un être au coeur simple qui espère juste une place dans la vie de quelqu’un. Un homme qui cherche l’amour comme le seul refuge d’un sens à la vie.


Une des qualités de ce texte, c’est l’extrême pudeur avec laquelle Evgueni Grichkovets évoque ce qu’il y a parfois d’absurde à vivre. Mais cette absurdité n’est pas forcément synonyme de malheur à vivre, elle est aussi ce qui nous lie les uns aux autres, elle peut être la possibilité d’une rencontre. Et ce regard sur le monde a quelque chose d’enfantin, une redécouverte du monde. L’adulte et l’enfant en lui regardent ensemble une vie coincée entre désir et réalité. Le monde, tel qu’il est, déclenche des rêves et les songes ramènent irrémédiablement à la rudesse de la réalité. Un peu comme dans certains poèmes de Fernando Pessoa où l’évidence et l’apparente simplicité de ce qui est décrit ramène à des questions profondes.


Grichkovets écrit en creux, il ne donne pas de leçons, il permet à l’acteur de se faufiler à l’intérieur de son texte et de laisser se révéler une personne plus qu’un personnage. Il n’y a pas d’intrigue à proprement parler. Il n’y a pas d’histoire comme fil conducteur mais un voyage. C’est ce trajet intérieur de cet homme, les questions posées par la présence de cette femme qui maintiennent la tension. Et le voyage de cet homme peut devenir le voyage du spectateur puisque ce texte est là pour le rejoindre.


L’important ce n’est pas où l’on va, c’est le chemin qu’on prend pour y aller.

David Clavel

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