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Pigment.s - manifeste d'une jeunesse en changement

Mathilde Flament-Mouflard ( Mise en scène )


: Présentation

"Au commencement était le sombre l'infini" Ce sont les premiers mots du spectacle, fruit d’une écriture contemporaine où la danse et la musique se mêlent à la parole. Un spectacle qui n’est ni tout à fait une pièce de théâtre, ni tout à fait une représentation de danse mais le mariage des corps et des voix qui évoluent autour d’une problématique commune : celle de notre jeunesse en 2020.


La pluridisciplinarité de Pigment.s est un élément central du spectacle : avant le process d’écriture, les sujets de la pièce avaient déjà été réfléchis et arrêtés entre Marie-Camille Bouvier, la chorégraphe, Niccolò Romero-Passerin, le compositeur, et moi-même. Nous voulions parler de l’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi et surtout entre les êtres humains. La question du genre nous taraude depuis longtemps et nous avions le désir d’ouvrir le champ des possibles et de proposer l’idée d’une société où chacun serait considéré indépendamment de son sexe. Nous voulions parler du malaise qui habite une majeure partie de notre génération face aux modèles qui nous sont proposés, qu’il s’agisse des modèles de corps filiformes ou parfaitement musclés, et qui sont ancrés dans l’imaginaire collectif. Nous voulions aborder la question des droits homosexuels, qui aujourd’hui encore peinent à être reconnus et acceptés partout dans le monde. Nous voulions dénoncer la domination patriarcale dans laquelle nous évoluons, car malgré les mouvements humanistes qui se battent pour l’égalité des droits entre hommes et femmes, le pouvoir est essentiellement attribué au masculin.


Nous voulions déconstruire.


Les artistes passent du mot au geste et du geste au mot pour exprimer une idée ou une opinion sur les sujets qui sont abordés tout au long du spectacle. Un peu comme un édifice qui se bâtit brique à brique, Pigment.s se construit à travers l’expression de chacun : tous se confrontent au même problème, ils ne trouvent pas leur place au sein de la société d’aujourd’hui. Chaque parole est une expérience individuelle qui s ’inscrit dans un collectif d’idées, et les costumes y font écho : chaque t ouche de couleur qui s ’ajoute au costume de base, noir, vient marquer le témoignage d’un vécu semblable au propos porté au plateau. C’est ainsi que nous avons rassemblés trois musiciens (un pianiste, une violoncelliste et Niccolò qui est aussi harpiste), cinq danseurs et trois comédiens au plateau, dans l’idée que tous seraient amenés à traverser plusieurs disciplines, à l’image de notre travail de création : j’écrivais, Niccolò composait sur mes brouillons, j’envoyais à Adeline, elle nous répondait avec des propositions de mouvements, nous échangions nos impressions et nous recommencions. La musique, la danse et le texte appartiennent à un seul et même projet, et ne sont pas divisibles. Sans l’un, Pigment.s n’existe pas. Nous avons entamé le travail de répétition dans le même sens : à travers le texte, la musique et le mouvement. Nous cherchions avec les corps comme j’ai cherché avec les mots, en menant la quête autour de la collectivité en opposition à l’individu (au sens individuel, singulier) : comment chacun tente de trouver et de faire sa place dans ce monde au milieu des autres. Si le texte offre une vision plutôt claire d’un propos ou d’une idée, la danse et la musique viennent prendre le relais quand les mots ne suffisent plus, ou ont trop dit, et racontent avec le corps, le mouvement, à la place du texte.


Pigment.s, c’est aussi une histoire de relations : les témoignages de ce groupe de jeunes, leurs rêves, leurs combats, leurs espoirs et leurs désillusions mais aussi l’amour qui les lie les uns aux autres. J’ai choisi de travailler sans coulisses, avec les artistes en permanence sur la scène exposés au regard du spectateur. Je n’avais pas envie d’entrer dans la forme scénographique de la coulisse où l’artiste quitte la scène pour aller boire après une chorégraphie ou se changer entre deux répliques. Dans le propos porté au plateau, où nous tentons de mettre à nu les questionnements, les doutes et les peurs de notre génération, dissimuler des actions du quotidien n’avait pas de sens, au contraire. Le danseur qui va boire ou le comédien qui se change participent eux aussi au déroulement de l’action, tout autant que celui qui prend la parole. La sueur et la fatigue des corps, la matière des tissus informes qui prennent vie et deviennent costumes quand on les enfile, que tout soit là, sans artifice. Dans un désir de rendre accessible la scène de théâtre en laissant la possibilité aux gestes ordinaires du quotidien d’arriver, c’est un moyen d’impliquer le spectateur en lui disant « Comédien, danseur, musicien, peut-être, mais avant tout être humain qui comme toi a soif après avoir dansé ou parlé. » Tout comme l’abolition du Quatrième Mur, un changement de costume face public a la même signification qu’une adresse directe, droit dans les yeux.

Mathilde Flament-Mouflard, août 2020

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