TERRAIN DE JEU(X) POUR 5 PERSONNES

Jamais Jamais ! est un montage d’extraits de romans, de pièces de théâtre, de poèmes, de chants, de musique, de conte et d’images qui raconte la merveilleuse histoire de Peter Pan, l'enfant triste. L’enfant fugueur, qui pour échapper à sa réalité d’enfant abandonné par ses parents, trouve refuge dans l’île du Jamais Jamais. La forme ludique de la narration de Peter Pan utilisant devinettes, humour et jeux de mots, ainsi que la capacité des personnages à se jouer du réel, posent la question du jeu comme moyen d'échapper à une société prévisible, ennuyeuse et normée. Le jeu c’est le plaisir d’inventer, la jubilation de réenchanter le monde par le seul fait de son imagination. C'est ce que nous mettons en scène dans notre Peter Pan. En transformant un espace ordinaire, simple et brut, comédiens, vidéaste, magicien et musicien inventent une féerie exhubérante, rock et insolente. Jamais Jamais ! permet aux enfants tristes de s’identifier à la figure positive de Peter Pan pour mieux vivre le réel et à tous les autres enfants de rêver pour mieux grandir. Un spectacle qui invite également l’adulte à refléchir sur le rapport adulte-enfant, le temps qui passe, la mort, la liberté... tout en renouant avec son imaginaire et sa part d’enfance.

PETER PAN, L'ENFANT TRISTE

Peter Pan est la figure de l’enfant absolu. Libre, facétieux, non adulte par excellence, il est une espèce de sauvage éloigné de tout esprit de sérieux. "Je suis la jeunesse, je suis la joie, je suis le petit oiseau qui vient de briser sa coquille". Au pays du Jamais Jamais (Never Never Land), Peter s’adonne à un perpétuel jeu d'aventures qu’il assume et distribue selon sa fantaisie. Il orchestre la vie quotidienne comme un énorme spectacle dont il est à la fois l’auteur imaginatif, l’acteur principal et le metteur en scène capricieux... Le pays du Jamais Jamais représente l’enfance ; il est l’emblème de la fantaisie et des bonheurs imaginaires. Tous les référents communs des imaginations et des littératures enfantines, tous les mythes de l’enfance y sont convoqués ; l’on y vit une sorte d'apothéose de l’épique et du merveilleux. C’est un lieu magique où chacun, s’il le décide et y croit profondément, peut transformer le réel, c'est un havre où tout enfant peut mettre la tristesse du réel entre parenthèses afin d’être sans souffrir.

Les enfants qui peuplent l’île du Jamais Jamais sont les Enfants Perdus, des enfants abandonnés, tombés de leur landaus pendant que leurs parents regardaient de l'autre côté. Ces enfants tristes et oubliés s’apparentent aux enfants, qui, suite à un traumatisme trop lourd à vivre, préfèrent se couper du monde réel et se réfugier dans le rêve. Peter Pan est l’un d’eux : c'est un être en souffrance. Il souffre de l'abandon de sa mère qui l'a remplacé par un autre petit garçon après qu'il se soit enfui de chez lui pour les jardins de Kensington. Peter déteste les adultes et en particulier les mères. Il ne veut pas grandir. Il ne veut pas se plier au monde adulte et à ses conformismes. "Wendy, je me suis enfui le jour de ma naissance (... ) Je ne veux pas devenir un homme...jamais. Je veux rester toujours un petit garçon et m’amuser". Dans ce refus s’exprime un clivage entre société adulte organisée et enfance libertaire, entre préoccupations matérielles et univers poétique, entre monde comptable et monde féérique.

ÊTRE UN ENFANT ÉTERNELLEMENT ?

Pour échapper à ses souffrances, à la société et aux conformisme du monde adulte, Peter Pan s’enferme à l’intérieur de lui-même. S’extrayant ainsi de tout devenir et de tout désir, il se protège de l’émotion. Coupé de celle-ci, il ne peut plus évoluer et se condamne à ne plus ressentir, donc à ne plus vivre... Son insensibilité fait de lui un être sans coeur, cruel et égoïste, au point de n'être obsédé que par lui-même et ses aventures. Peter Pan n'est plus un enfant. Il est plutôt la négation même de l’enfant - un enfant se définissant par son devenir. Pour grandir l'enfant a besoin de se souvenir, or rien ne dure dans sa mémoire. Il se répète, ou plutôt répète ses oublis et ses effacements, lesquels le maintiennent dans une boucle temporelle sans fin. Quand Peter claironne qu’il est désincarné et intemporel, il exprime en vérité sa crainte et son rejet des lois de la nature : la naissance, la sexualité, la procréation, la mort... Si la mort lui apparaît comme une extraordinaire aventure, c’est sans doute que la naissance est pour lui plus extraordinaire encore : impensable, inénarrable...

WENDY : GRANDIR ? DEVENIR FEMME...

Les parents de Wendy estiment qu’elle n’est plus en âge de dormir avec ses frères. C’est lors de sa dernière nuit avec eux qu’elle rencontre Peter Pan. Jeune fille bien élevée, terre à terre et prudente, elle est séduite par Peter Pan. Arrivée au Pays du Jamais Jamais, elle accepte de devenir la mère de Peter Pan et des enfants abandonnés. Puis elle tente sans succès d’amener Peter sur le terrain du désir. Lassée par cette relation où elle ne peut pas vivre son désir, elle décide de revenir au monde réel mais se retouve sous la griffe de Crochet voulant lui aussi faire d’elle une mère. Cette confrontation aux désirs de Peter Pan et de Crochet, l’amène à s’interroger sur son devenir : est ce qu’une jeune fille pour grandir doit forcément endosser les rôles d’épouse et de mère ? Qu’apporte réellement ces conditions ? Peut-on devenir femme en dehors de ces rôles ? Est-on obligé de choisir ?