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Pessah (Passage)

+ d'infos sur le texte de Laura Forti traduit par Caroline Chaniolleau
mise en scène Lukas Hemleb

: La pièce

Soit, une femme au cœur fragile et qui fume en cachette. Soit, la fille aînée, elle-même mère pour le moins négligente, et qui tente d’oublier le gris de sa vie dans le cognac. Soit, la fille cadette qui cherche ailleurs ce qu’elle ne sait trouver nulle part. Soit, le fils qui tente de croire et de faire croire à son pouvoir de séduction... Une famille (presque) normale, réunie pour célébrer la Pâque juive, laquelle tombe juste le jour anniversaire du petit fils. On ne le verra pas: il préfère rêver d’une mobylette et se défoncer avec des camarades de son âge. On ne verra pas non plus le père, retenu en clinique par un brouillard mental profond.
On pourrait craindre un drame glauque, il n’en est rien. Laura Forti, auteur de Pessah (le Passage) vient du soleil: elle est italienne. Et puis juive. Elle est bardée d’humour, de vitalité truculente, de curiosité et de sympathie envers ses personnages comme envers son prochain. Lorsque Lukas Hemleb a lu la pièce, en italien et avant qu’elle soit publiée, il s’est rendu compte qu’elle lui apportait exactement ce qu’il avait envie de rencontrer juste à ce moment -”Une écriture émancipée, débarrassée de ces interrogations devenues routinières chez un grand nombre d’auteurs contemporains, à propos des codes, et ruptures de codes, de déconstruction et reconstruction. Au travers de son écriture, Laura Forti n’a pas voulu créer de distance entre elle et les autres. Elle ne se pose pas de question sur ses influences, ne cherche ses racines qu’en elle-même.
“Cette authenticité, tellement rare aujourd’hui, m’a d’emblée séduit. À partir de là, j’ai compris les pourquoi de mon intérêt. Notamment, la pièce offre aux comédiens des occasions formidables. À moi, elle offre la possibilité de renouer avec quelques uns d’entre eux, qui ont déjà travaillé avec moi. Je les connais suffisamment pour savoir qu’ils peuvent constituer un groupe, une famille. Je les sais capables et désireux de s’engager avec moi dans cette aventure qui peut nous emmener loin en nous-mêmes.
“Une autre raison de mon choix: je suis curieux de la judéité. Je ne suis pas juif, mais je me sens proche, alors j’ai envie de comprendre: la mémoire, la religion et le refus de la religion. Et, dans une période de ruptures comme celle que nous vivons, l’importance retrouvée d’un rituel réduit à une habitude... J’en ai d’ailleurs beaucoup discuté avec Laura Forti, et aussi du rêve d’Israël, plus ou moins présent dans cette famille, sous une forme ou une autre.
“Le grand défi de cette pièce: parvenir à établir l’équilibre entre d’une part l’universalité de la situation et des personnages, c’est-à-dire la violence des rapports entre la mère et les enfants. D’autre part leur singularité. C’est-à dire la façon évidente dont l’Histoire est venue détourner leur existence privée, la façon dont elle les a marqués. Partout, de telles conditions de désarroi peuvent amener à chercher un ancrage dans le spirituel, sinon le religieux. Ouvrir ces questions me semble actuellement très très important”.
Dans cette pièce, écrite par une femme, le seul homme présent est une sorte de faux macho, complexe, ambigu, moins affirmé dans son identité que ses sœurs et sa mère. Lukas Hemleb ne s’en émeut pas:
-”Je peux même dire que cela ne me semble pas en rupture avec la réalité. Face aux coups de l’Histoire, souvent les hommes se montrent plus fragiles que les femmes, en tout cas plus évanescents. Ils ont tendance à disparaître. J’en connais tant de cette sorte que ma réaction navigue entre frissons et amusement. Quant au donjuanisme revendiqué du frère, je le comprends comme un refus de continuité. Plus précisément la capacité de vivre la discontinuité. Il est vrai que dans un monde déréglé, fonctionner comme une horloge suisse me paraît pour le moins utopique”.
Le parcours récent de Lukas Hemleb enchaîne Figure, portrait d’un homme monstrueusement tourmenté - le peintre Francis Bacon - et Titus Andronicus, la tragédie la plus sanglante de Shakespeare. La violence de Passage est aussi forte sinon davantage, et d’une toute autre nature. Plus insidieuse, perdue de contradictions et de doutes.
-”Dans Titus, les actes sont abominables, leurs motivations très claires, les actes assumés. Ici, non. Les personnages sont écrasés par les syndromes superposés de l’Histoire et de leur histoire. On commence avec une situation connue de tous, et qui vous entraîne ailleurs, dieu sait où... Avec, quand même, une constatation réjouissante: la jubilatoire et féroce volonté de vivre. Théâtralement, c‘est passionnant”.


Colette Godard, extrait du programme du Théâtre de la Ville 04/05

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