theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Passion selon Jean »

Passion selon Jean

mise en scène Jean-Yves Ruf

: Propos du metteur en scène

Quand Olivier et Paul m’ont dit qu’ils désiraient me lire une pièce sur un malade atteint de schizophrénie et son infirmier, j’avoue m’être méfié. Des textes se mêlant d’univers psychiatriques, j’en ai lu beaucoup, jalonnés de généralités, de poncifs en tout genre. Je suis donc allé à cette lecture en me préparant à être déçu, et à devoir trouver les mots pour rester délicat avec mes nouveaux camarades.
Mais immédiatement, l’écriture de Tarantino m’a séduit, m’a convaincu. Par un travail très osé et très précis sur la forme, par l’invention d’une langue en vers pulsés, itératifs, celle du patient, répondant à une parole toute différente, en prose libre et rageuse, celle de l’infirmier. Il ne s’agit pas ici d’un texte sur la schizophrénie, et loin de nous la prétention de vouloir embrasser dans son entier un phénomène aussi complexe. Il s’agit d’abord d’un travail sur la langue.


Tarantino, qui a beaucoup fréquenté les hôpitaux psychiatriques, écrit «à partir de», ou «à la place de», comme dirait Deleuze. J’imagine qu’il a été troublé, intrigué, remué, par le caractère si particulier de la parole de certains patients atteints de schizophrénie. Ces apparentes approximations grammaticales, ces ellipses, hiatus, sautes, coq-à-l’âne, cette structure contrapuntique où toutes les voix semblent se mêler et s’entrecroiser pour former une grande fresque, où le «je» devient multiple. Antonio Tarantino invente une langue qui prend en charge cette parole, qui avance par jets, par suite de traits toujours recommencés. On pense à nombre de tentatives qui ont traversé la poésie contemporaine, de l’écriture automatique des surréalistes aux structures itératives de Ghérassim Luca. On pense à certaines formes de free jazz américain, voire à certaines pièces de Steve Reich. C’est ce travail au coeur même de la langue qui sauve Tarantino d’un théâtre documentaire sur la folie.


L’originalité de ce texte réside aussi dans sa structure : Tarantino aurait pu écrire un long soliloque de Moi-Lui, mais il a opté pour le duo, ce qui donne immédiatement un caractère clownesque au texte.

Jean-Yves Ruf

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.