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Palais de glace

+ d'infos sur l'adaptation de Joël Jouanneau ,
mise en scène Stéphanie Loïk

: Le Texte

Il est des livres qui touchent aux racines les plus sensibles de l’âme et l’on n’a de cesse de tout faire pour en chercher l’auteur et en devenir l’ami » : cela a été le cas pour Palais de glace.
Tarjei Vesaas est l’écrivain de l’ineffable. son écriture rend la respiration forte des saisons, l’exhalaison de la brume au travers des champs, le choc des pierres et de la glace. il a fait allégeance à la simplicité, à la fragilité.
Il rend compte de l’essentiel, de l’amour à en mourir mais qui est plus fort que la mort, de la nature au plus profond de la neige, de l’eau et du feu.
Son texte est peuplé de gouttelettes sur la branche, de violence qui éclate dans un décor de premier jour du monde, d’êtres simples d’esprit qui savent voir au-delà des apparences et entendre l’inaudible.
Il rend compte des craquements des abîmes que nous portons tous en nous.
Son art de faire surgir la mort violente, comme dans la vie, au milieu des éclats fascinants du monde, en fait l’un des plus grands écrivains du XXe siècle.
avancer dans un livre de Vesaas c’est avancer dans une forêt de symboles.
Il nous parle autant des nuages, des cercles des vivants, que de la nuit qui tombe, de ceux qui mouront dans cette nuit, mais surtout de ceux qui n’ont pas succombé pendant la nuit et qui verront la toute petite courbe du soleil, même s’ils n’ont et n’auront jamais de nom.
Tarjei Vesaas est hanté par la condition humaine et la mort en marche. il s’approche à pas de loup du sacré de l’amour, cet amour justement, qui unit les deux petites filles du Palais de glace, siss et unn, contre la mort.
Depuis leur rencontre à l’école, à l’étrange fuite et la mort de unn, la très longue absence dure comme l’hiver, à la recherche du Palais de glace et à sa découverte, le dépérissement empathique de siss. et enfin la débâcle du printemps et la réapparition de unn aussi morte que vivante dans les glaces. Puis siss vivra, sachant qu’elle ne trahira jamais l’amitié morte, sauvant en elle les images de unn. Au Palais de glace de la mort figée, s’oppose le Palais du souvenir de l’amour fidèle.
Tarjei Vesaas, visionnaire et écoutant : il y a du magicien dans ce grand silencieux. il sait rendre le moindre frisson de la lumière, le moindre pas sur la neige. la nature, ou plutôt la nature, n’est pas la source de réponses, mais il faut sans cesse l’interroger, lutter parfois contre elle et sa rudesse, s’y dissoudre enfin.
Ce qui est emblématique chez Vesaas est ce mouvement perpétuel entre le réel le plus prégnant et le rêve le plus envolé.
Et comme des oiseaux noirs, il passe dans son texte des angoisses, des peurs paniques. il sème des menaces à l’orée des mots. une grande violence tapie peut soudain éclater comme dans une musique de sibelius. cette violence semble provenir du fond de la terre en fusion.
Il est comme un humble paysan saisi par l’effroi de l’invisible, de ce qui ose apparaître à la tombée de la raison.
Le mal rôde, la nature est partout présente, mais elle demeure et nous passons.
Dans le non-dit passe l’essentiel. et parfois le mystère d’un cri soudain nous transperce. de toute façon, nous avons été amené « au-delà de ce qui est dit. »
Entre bruissement de l’enfance et craquement de la glace, Vesaas tisse le fragile et le différent. un chant de pureté monte de ce livre. on doit s’avancer vers lui avec la même prudence que sur un lac gelé, et bien tendre l’oreille au moindre froissement de bruit.
Palais de glace est un château de poésie.
l’abîme est en nous, seule la neige de l’amour colmate ses fêlures. la mort n’est plus alors que l’ordre naturel, une tension finale et la cascade figée de la solitude laisse entrevoir une présence.
La frontière entre la vie et la mort est abolie.
Le palais de glace nous emprisonne comme il retient unn, la petite fille figée dans l’au-delà.
a tous les désaccordés du monde, exilés riant à l’orée du givre et nous dit d’entendre les avertissements muets de la Nature.
Cette écriture m’a bouleversée et, après avoir adapté et joué Neige de Maxence Fermine, j’ai demandé à Joël Jouanneau d’adapter pour la scène, ce chef-d’oeuvre qu’est Palais de glace.
Ce sera la suite d’un travail théâtral que j’ai commencé avec Neige il y a quelques années.

Stéphanie Loïk

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