Outrage au public de Peter Handke, est une oeuvre volontairement provocante à l'endroit même de l'écriture.
Cette pièce à l'oralité radicale, l'humour vif et acéré, refuse toute narration. Tout s'y déroule toujours au présent, c'est la langue elle-même qui prend corps et s'incarne en une machine sonore, pour célébrer la corporalité de la langue.

Pendant une heure, sans que soit convoqué ni personnage ni trame narrative, sans autre support que la voix de quatre actrices nous retenant sans cesse, nous happant et nous reconvoquant dans ce présent brûlant, seront prononcés des mots, des phrases, pour dire que seul le langage aura eu lieu sur scène. Incantations et injonctions contradictoires succèdent aux litanies, aux conjurations, aux constatations. Et c'est dans le creusement jubilatoire de ce sillon que réside l'outrage.

Mettre en scène le poème qui traverse les corps.
Se laisser traverser par ces écritures radicales ;
n'être plus qu'une machine à dire, un instrument à scander,
une pompe articulatoire qui souffle le flux de ces textes ;
mettre en jeu l'effort de dire,
laisser l'écriture trouver son chemin
depuis le texte dactylographié jusqu'à la bouche,
en passant par les yeux, les mains, les pieds, les poumons,
afin qu'elle voyage jusqu'à celui qui écoute ;
recevoir non pas seulement par les oreilles
mais par son corps tout entier.
Joachim Salinger