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Occupe-toi de Feydeau

+ d'infos sur le texte de David Lewis traduit par John Thomas
mise en scène Adrian Brine

: Entretien

Interview de David Lewis


Pourquoi avoir choisi Feydeau pour cette comédie humaine ?


Sam Walters qui a mis en scène plusieurs de mes pièces au Théâtre de l’Orange Tree en Angleterre est un fan de Feydeau. J’ai été voir une de ses mises en scènes de Feydeau et j’ai lu une courte biographie dans le programme. J’ai été frappé par le fait que les événements de la vie de Feydeau semblaient procurer les ingrédients de base d’une farce; plus particulièrement la période où il a quitté femme et enfants pour aller vivre dans un hôtel. J’ai demandé à Sam si on avait déjà écrit une farce sur Feydeau. Il n’en connaissait pas. (Je suis sûr qu’il doit y en avoir une quelque part!). En tous cas, je me suis décidé à essayer. Même si j’avais écrit plusieurs pièces avant, je n’en avais jamais vu ou lu une de Feydeau. Je savais qu’il devait avoir influencé des auteurs qui m’avaient influencé moi. Mes pièces contenaient souvent des éléments de farce et, tout comme lui, j’ai souvent développé le thème de la guerre et de l’amour entre hommes et femmes. Au départ, j’ai eu l’impression que ce serait trop difficile d’écrire une pièce à son sujet et dans son style - mais je n’ai pas pu résister à l’envie de relever le défi… J’ai travaillé dur. Occupe-toi de Feydeau pourrait bien être ma première et dernière farce!


Ce rire « à la française » est-il proche du comique de situation « à l’anglaise », à la Buster Keaton, ou est-ce au contraire le quiproquo sur les mots qui vous a intéressé ?


C’est une question difficile. Je ne suis pas vraiment un expert en humour anglais, peut-être parce que je suis Gallois. Mais ayant lu beaucoup de farces françaises, je peux voir leur influence sur la comédie de situation anglaise et sur l’humour juif américain (des Marx Brothers à Woody Allen) que j’ai particulièrement appréciés en grandissant. Il y a aussi, bien sûr, une solide tradition de farce anglaise. Mais pour moi, les farces anglaises ont toujours semblé d’une façon ou d’une autre moins achevées, d’un point de vue émotionnel et sexuel, que les farces françaises. (Excuses à mon pays d’adoption !)


Est-ce par le rire que l’homme se sauve de la tragédie?


Non, je ne pense pas. Si je dressais la liste de tous les éléments destinés à tenir la tragédie à distance (incluant peut-être un régime équilibré, l’exercice physique, regarder des deux côtés de la route avant de traverser, éviter les avocats, etc.), le rire figurerait au bas de la liste - ou n’y figurerait pas du tout. Mais au bout du compte, peu importe ce que nous faisons, la vie est essentiellement tragique. Mais elle est aussi essentiellement comique. Pour moi, une vie sans tragédie serait une vie sans comédie. Il y a des années, j’écrivais une comédie sur un couple qui ne pouvait pas avoir d’enfants et j’avais peur que ce soit trop tragique. Mais un ami m’a dit : « Force sur la peine ; ce sera plus drôle ». Depuis, j’ai continué à faire ça dans mes pièces. Apparemment, Feydeau a dit quelque chose du genre : « Pour faire un bon vaudeville, je pense à la situation la plus tragique possible ».


Vos autres pièces parlent-elles aussi des rapports de couples, et sont-ils emblématiques de notre société dans son ensemble (trahison, faux semblants, satisfaction immédiate des plaisirs, difficulté de mener une relation à long terme, peur de l’autre) ?


J’essaie d’écrire sur les vies ordinaires, familiales dans un contexte de thèmes universels. Je pense que le théâtre est fait pour ça (qu’il soit tragique ou comique) : essayer d’éclairer la relation entre l’individuel et l’universel.


Est-ce la première création française d’une de vos pièces ?


Oui. Mais pas la dernière, j’espère. Comme Occupe-toi de Feydeau est une farce française, je suis vraiment ravi qu’elle soit jouée en français. Naturellement, j’ai toujours espéré qu’elle trouverait son chemin jusqu’à Paris, la ville natale de Feydeau. Si cela n’arrive pas, je me consolerai en sachant que les droits de la version française d’Occupe-toi de Feydeau sont traités par une agence dont le siège se situe à Paris, rue Feydeau !


N’est-ce pas particulièrement troublant qu’une pièce anglaise sur un auteur français soit traduite de l’anglais et jouée en français dans la mise en scène d’un Anglais !!!


Maintenant que vous me l’avez expliqué, je ne suis pas troublé du tout!


Est-il stimulant pour un auteur de travailler pour et avec un théâtre sur la durée ? Cela vous a-t-il permis de trouver « un style de jeu », plus vite que s’il vous fallait trouver un metteur en scène après coup ? Ou au contraire, cela peut-il vous forger des habitudes qui peuvent être dangereuses ?


Je pense que cela dépend beaucoup du théâtre et de l’auteur. Ma collaboration avec l’Orange Tree a été une très bonne chose pour moi. Ma compagne joue régulièrement là-bas elle aussi (elle avait le rôle de Madame Feydeau dans la production originale). C’est devenu notre deuxième maison. Pour une bonne part, j’ai appris mon métier à l’Orange Tree. Et, fait décisif, je n’ai jamais ressenti de pression qui me poussait à écrire un certain genre de pièce. En revanche, je suis sûr que je n’aurais jamais écrit Occupe-toi de Feydeau si je n’avais pas rencontré Sam Walters. Donc, juger si c’est une bonne ou une mauvaise influence dépend, je suppose, du sentiment qu’on a vis-à-vis de la pièce…


Pour vous, une porte doit-elle être ouverte ou fermée ?


L’ouverture et la fermeture des portes dans Occupe-toi de Feydeau m’ont rendu un peu fou. C’est tellement vrai que j’ai passé plusieurs mois avec la porte de mon bureau fermée. Ma nouvelle pièce n’a pas de porte du tout.

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