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OUZ - Le Village

+ d'infos sur le texte de Gabriel Calderón traduit par Françoise Thanas

: La vie n’est pas un songe

Par Gabriel Calderón (traduction Adel Hakim)

Comment je joue, je mets en scène et j’écris.
J’aime bien imaginer le texte comme la carte d’un pays inconnu. Nous partons tous en voyage en vue de découvrir ce pays et nous savons que finalement l’important sera de traverser le pays et non pas de respecter la carte. Le texte est une idée, un guide possible, mais en chemin il faut se laisser tomber amoureux et se préoccuper surtout de l’expérience réelle qu’offre la scène. Il n’en demeure pas moins que le texte doit être précis, doit être une oeuvre forte, terminée, suggestive, qui invite à visiter ce pays, mais sans jamais que cet appel soit la chose primordiale. Il ne s’agit pas de produire des oeuvres, il faut faire du théâtre et, dans ce mystère, nous sommes tous des créateurs à égalité de condition, amenant chacun nos connaissances aussi bien que nos doutes et notre ignorance.


La récupération de la dimension politique.
Le théâre que je pratique actuellement et qui m’intéresse est un théâtre philo-fasciste pour un public bien-pensant qui ne recherche que son plaisir. Quel merveilleux monde de dégoût, de colère, d’indignation, d’ennui et de fureur nous avons abandonné pour la drogue du rêve et du divertissement. Nous avons tellement pris soin du public qu’il s’est endormi et qu’il veut seulement que nous le suivions en lui racontant un beau rêve pour qu’il ne se réveille jamais. Il s’agit de donner au public un peu du chocolat qu’il aime savourer, il s’agit d’utiliser le divertissement et le rire, mais pour le tromper, le déranger, lui dire en face certaines choses alors qu’il a payé sa place pour en entendre d’autres.


La récupération de la dimension fantastique.
Il s’agit en même temps de revendiquer le droit de penser, de réfléchir et de philosopher. Il s’agit d’imposer au spectateur un travail ardu, une participation réelle à la pensée, une interpellation honnête à partir de la scène. Il ne s’agit pas de révéler une vérité, mais de révéler un mensonge sous une forme qui demande un grand travail au spectateur afin qu’il rejette ce mensonge. C’est une belle guerre des mensonges intelligents contre les vérités paresseuses.


La science-fiction, ou sa respectable soeur de la littérature nommée « genre fantastique », offre à l’art contemporain une merveilleuse possibilité de repenser et d’aborder des thèmes qui seraient directement rejetés s’ils étaient abordés d’une autre manière. Le fantastique met en crise le modèle établi en utilisant une intervention magique qui contredit les lois naturelles conventionnelles. Si, de plus, ce modèle est complexe, la crise générée par l’intervention fantastique est fascinante et commence à offrir et montrer les limites des conventions.
Le fantastique comme stratégie et le politique comme objectif. Il s’agit de suggérer, au lieu du songe tranquillisant, un cauchemar inquiétant. Un cauchemar qui nous maintient attentifs, qui nous réveille anxieux et qui, au lieu de nous émouvoir, nous remue et nous trouble.


Du théâtre du rêve au théâtre du cauchemar.
Il s’agit de montrer que le possible cauchemar, le plus proche de la réalité, consiste à nier le rêve, à nous confronter à un moment de véritable réflexion sur les possibilités de notre existence. Bannir le théâtre qui tranquillise, la fable pleine d’espérance, l’histoire qui nous endort et nous promet un doux repos. Ecarter cette paix anesthésiante qui nous fait voir seulement les bons côtés de la vie et nous pousse à vivre tranquillement tout en côtoyant les cris étouffés des injustices et de nos propres incohérences, je répète PROPRES. Dans cette récupération du théâtre politique, nous ne dénonçons pas l’autre, nous ne dénonçons pas une vérité occulte, nous crions aux quatre vents ce que nous-mêmes, par commodité ou faiblesse, avons décidé d’ignorer.
Il s’agit de se réveiller et de vivre, parce qu’en fin de journée, le théâtre, comme la vie, n’est pas un rêve.

Gabriel Calderón

février 2013

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