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Nous, les héros (version sans le père)

+ d'infos sur le texte de Jean-Luc Lagarce
mise en scène Michel Belletante

: Intentions de mise en scène de Michel Belletante

Nous, les héros se présente comme le portrait d’une troupe de théâtre au sortir d’une représentation qui n’a pas très bien marché, comme semble-t-il, la plupart des spectacles que la troupe donne désormais : un théâtre usé où les comédiens transportent décors et costumes dans leurs bagages, rapiécés, à bout de force, perdus au coeur d’une partie de l’Europe centrale, juste avant une guerre annoncée, encore. La pièce les prend au moment où ils vont fêter les fiançailles de deux d’entre eux. Joséphine, la fille aînée de la famille fondatrice de la troupe (gérée aujourd’hui par la mère puisque le père est mort), et Raban, le jeune premier de la troupe. Ces fiançailles ne sont pas vraiment des fiançailles d’amour, elles sont plutôt faites pour assurer la survie de "l’entreprise" de théâtre familiale.


La localisation de l’action en Europe centrale n’est pas innocente : la référence à Kafka est omniprésente, puisque certaines parties de textes sont même directement issues de son journal, mais il ne s’agit pourtant pas d’une pièce sur l’Europe centrale ou sur le destin des acteurs juifs de l’époque. Il ne s’agit pas non plus d’ailleurs d’une pièce sur le sort du théâtre aujourd’hui, même si on peut aussi la lire comme une défense et une représentation du théâtre en tant qu’art archaïque, un peu ringard, un peu naïf et si fragile, mais qui est capable de produire de l’imaginaire avec deux bouts de ficelle, une planche et un chapeau. Cet imaginaire si essentiel à la vie des hommes. Il y a dans Nous, les héros, une description du théâtre pour ce qu’il est, et le théâtre a aussi sa part foraine, comme le disait Vitez, une part certes "inadaptée au monde technologique" mais tellement humaine.


C’est donc un hommage aux rêves et aux folies des gens de théâtre, à l’utopie qui les anime malgré eux. On sent qu’elle a été écrite par quelqu’un qui connaît les acteurs, leurs habitudes, leurs utopies, leurs rêves, leurs impasses, leurs fragilités, leur imbécillité parfois, leur narcissisme toujours. Mais ce n’est pas une énième pièce sur le théâtre car elle n’est pas tournée vers le théâtre de façon narcissique. Elle met en scène des comédiens, certes, mais surtout des êtres humains avec leurs richesses et leurs mesquineries : des égarés, des exilés, des êtres épuisés, à bout de souffle et qui le savent, mais qui sont encore capables avec le peu de moyens dont ils disposent, de fabriquer du rêve et de la poésie, du désir, même un peu toc. Un choeur errant à la dérive emportant avec lui quelques traces de fragile humanité…


Jean-Luc Lagarce nous invite à poser un regard ironique et attendri sur ses personnages. Ce sont de drôles de héros que ces grands inadaptés de la vie qui se battent, comme Don Quichotte, contre les moulins à vent de la société et de l’art, et qui le font avec leurs pauvres armes, c’est à dire avec maladresse, beauté, emphase, douleur et inconscience. La pièce est une sorte de tableau épique et intimiste à la fois.


Nous voulons, une fois de plus, à la suite de ces comédiens partir, à la recherche de la réponse à la toujours même question que nous nous posons de spectacle en spectacle depuis plus de quinze ans maintenant : comment vivre ensemble…Nous l’avons exploré avec Tartuffe par le biais du ciment de la religion, avec Don Juan de Brecht, par le biais de la désignation de bouc émissaire, avec Couples en déconstruction et Iles de mars par le biais du couple…Mais cette fois la question lancinante se double d’une alternative : comment vivre ensemble… ou séparés.


Fuir ou rester ?


Quelles sont les règles du jeu qui font que l’on ne peut vivre seul ? Celles qu’on accepte, celles qu’on nous impose. Les rôles que nous jouons envers et contre nous. Ceux qu’on nous donne et ceux qu’on prend. La vérité de ce jeu, le jeu de la vérité. La place de nos petites histoires dans la grande. L’individu abandonné, perdu dans le monde, à la recherche de sa communauté. L’impossible de la solitude et l’impossible de la vie de g(t)roupe. L’instinct grégaire ! Comment quitter la chaleur étouffante et rassurante de la tribu ? Comment s’échapper de la famille ? Comment y rester sans mourir à soi-même ? Et il s’agit aujourd’hui de poser ces questions au travers d’un prisme que nous connaissons bien : celui de l’univers d’une compagnie de théâtre ballottée au gré des vents. Solitaires ou solidaires ? La vie quoi…


Avril 2006

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