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: Questions à Claude-Inga Barbey et à Patrick Lapp

par Anne-Sylvie Sprenger, "Le Matin Dimanche", 15 mai 2011

Voilà une quinzaine d'années que Claude-Inga Barbey et Patrick Lapp proposent des thérapies conjugales par l'humour. Avec leurs émissions de radio, puis leurs désormais fameux spectacles Bergamote, ils permettaient aux couples romands de rire de leurs disputes et autres agacements conjugaux, le tout avec un brin de poésie surréaliste absolument irrésistible. Avec Noces de carton, ils se retrouvent face à face pour fêter leurs retrouvailles, mais également ce qui sera leur dernière création.

Après ces Noces de carton, c'est fini pour Bergamote? Vous ne vous entendez plus?


ELLE : Si, au contraire. On ne s'est peut-être jamais si bien entendus. Mais nous avons créé sept spectacles, et il est temps, je crois, de les jouer, simplement de les jouer, ailleurs qu'en Suisse peut-être, ou alors même en Suisse allemande où nous ne sommes jamais allés, au Tessin, ailleurs quoi... Curieusement on ne s'est jamais retrouvés seuls sur scène, Patrick et moi; il y avait toujours ou Claude Blanc, ou Doris Ittig ou Donnet-Monay ou d'autres. Peut-être parce que ça nous faisait peur de nous retrouver face à face. Mais je suis très heureuse de cette nouvelle intimité.


LUI : Noces de carton, c'est un spectacle qui dure près d'une heure et trente minutes. Après, Bergamote s'arrête, en effet. Pour reprendre le lendemain à la même heure. Avec à peu près la même durée. Depuis que nous avons installé des doubles vitrages dans notre appartement, on s'entend beaucoup mieux. Il fallait y penser.


Où en sont Monique et Roger dans ce nouveau et dernier spectacle?


ELLE : Ils sont arrivés à l'âge où l'on est surpris par de petites douleurs aux genoux... Où on se dit que, tiens c'est curieux, ils écrivent de plus en plus petit dans les journaux, et pourquoi parle-t-il si doucement tout à coup... Ils se retrouvent face à face, les enfants sont partis, et il y a, pour Monique, l'angoisse de cette chambre vide. Quoi faire avec? Une chambre d'amis? Un bureau pour Roger? Monique continue à remplir le frigo et à faire à manger pour quatre personnes alors qu'ils ne sont plus que deux. A l'âge aussi, où on peut passer vingt minutes à essayer de se rappeler le nom de tel acteur dans... comment il s'appelle ce film, tu sais?! Mais oui... avec machin, celui qui joue dans... quoi déjà?


LUI : Monique et Roger en sont là où ils en sont. Ils ont leur âge, avec les problèmes de leur âge. Et ils ont décidé de ne faire plus qu'un. Mais ils n'arrivent pas à savoir lequel.


Nous ne les verrons donc jamais réellement vieux?


ELLE : Vous savez, Lapp est déjà très âgé...


LUI : Si, un jour, vous voulez voir Monique et Roger très vieux, faites au moins une heure de sport par jour.


On suit ces personnages depuis une quinzaine d'années. Vous-même, quel regard portez-vous sur leur parcours?


ELLE : Je les considère un peu comme de vieux amis qui vivent à l'étranger et qu'on revoit volontiers chaque année en période de vacances. Le premier soir on se raconte tout ce qu'on a fait dans l'année, le deuxième soir on se dit la vérité, que ça ne va pas du tout en fait, et le troisième soir on se saoule en se prenant dans les bras et en se répétant qu'on s'aime et que la vie est courte. Et puis à la fin du séjour, on se promet qu'on va s'écrire, et après on oublie jusqu'à l'année suivante.


LUI : Monique a les idées d'une femme qui a du talent. Quant à Roger, il se contente de se coincer le pouce dans la portière de sa bagnole allemande.


Et sur le vôtre? Comment a évolué votre tandem à la ville?


ELLE : Non, on ne couche pas ensemble...


LUI : Notre parcours a changé cette année. Comme nous avons acheté une autre bicyclette à deux sièges, nous allons partir faire le tour du Tibet.


Le couple de Monique et Roger aura marqué les Romands. Comment analysez-vous cet attachement particulier du public?


ELLE : D'abord, je pense que Lapp est très fort à la radio. Et que la radio, plus que la télévision, donne un sentiment de proximité et d'intimité aux gens. Les stars de la radio font partie de la famille. En général on est seul pour écouter Lapp ou Fernagut, et on a le sentiment qu'ils parlent pour nous seuls dans notre cuisine ou notre chambre à coucher. Ensuite, je crois que le couple Monique et Roger vieillit avec son public, et que ça, dans les sujets traités, c'est un atout pour la longévité d'une oeuvre. Prenez Gainsbourg par exemple, toute proportion gardée, il a traversé les époques en prenant ce qui était nouveau... Les gens se reconnaissent dans ce qu'on fait. On a eu de la chance, c'était au bon moment au bon endroit.


LUI : Les Romands, c'est Monique et Roger. Ils ont des histoires d'amour qui sont proches des nôtres. Des moments de haine aussi. Parfois, Monique et Roger trouvent des solutions heureuses. Mais il paraît que ça ne marche qu'au théâtre. C'est à essayer. C'est remboursé par les caisses maladie honnêtes.


Qu'est-ce qui vous aura le plus séduit chez eux?


ELLE : Leur normalité je crois, et le fait d'être drôles malgré eux.


LUI : Le charme de l'un des deux.


Et agacé?


ELLE : La lâcheté de Roger, et l'hystérie de Monique. Mais quand on aime les gens on tolère leurs défauts, on les invite quand même.


LUI : Le charme de l'un des deux.


Comment ces deux-là disent-ils au revoir au public?


ELLE : Je ne pense pas que c'est un adieu. Patrick et moi avons le même souhait, jouer ces spectacles, qui existent, qui ont été finalement assez peu exploités. Je pense que les gens seront surpris par ce dernier Bergamote, les choses ne tournent pas vraiment comme ils pourraient l'attendre. C'est comme dans la vie, on prévoit, on anticipe, on imagine, et ce qui arrive où on ne l'attendait pas. C'est peut-être là qu'est le message que nous voulons faire passer dans cet opus.


LUI : À demain.

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