: Note d'intention
Michel Vinaver écrit Nina, c’est autre chose en 1976, précisément
l’année dans laquelle se déroule la pièce. Elle rend
compte, à travers le prisme de l’intime, d’une époque précisément
complexe, originelle quant à nos problématiques
de 2011 : c’est une période giscardienne baignée de luttes
sociales et de revendications groupusculaires qui voit se
développer les germes du chômage, de la précarité, dominée
par une pensée capitaliste de plus en plus toute-puissante et
aveugle.
Bien loin cependant d’un simple récit d’un moment historique,
il s’agit plutôt d’une chronique – comme le dit l’auteur
– qui en son temps, et aujourd’hui encore, dépasse la notion
même de contemporanéité : L’écriture, musicale, fragmentaire,
saisit « l’ordinaire », les aspérités du temps qui passe,
et convoque le mythe de Pandore à tel point qu’il est possible
d’envisager la pièce comme une réécriture de la Théogonie
d’Hésiode.
Le mythe transparaît en effet et structure dans ses fondations
intimes, comme un plaisir latent, les situations modernes de
Nina, c’est autre chose. Nina, dont on ne sait quasiment rien,
est l’arrivée brute du changement, emmenée par un Charles Épiméthée,
coiffeur inquiet, opportuniste et libéral, dans son
foyer où rumine un Sébastien-Prométhée ouvrier syndiqué,
roublard et réfléchi, amoureux des peuples souffrants. «Elle
se fera toute petite» prévoit Charles dans la première scène,
alors que son frère envisage une catastrophe, une «pagaille
indescriptible» au détour d’une pensée sur un tremblement
de terre en France. L’intime s’en trouve bouleversé, révélant
dans ses banalités une profonde humanité.
Baptiste Guiton
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